La difficulté pour les intervenants du secteur santé et médico-social à conduire le changement en utilisant des TIC et à recommander leurs usages aux bénéficiaires

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Solutions pour bien vieillir
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L’exemple le plus emblématique de cette situation est celle de la téléassistance en France. Dans les années 1973 une première récession économique (le choc pétrolier) après une longue période de croissance, provoque une vague de licenciement qui touche essentiellement les ouvriers et employés à faible qualification. Les pouvoirs publics et particulièrement les collectivités locales s’impliquent dans la sauvegarde de l’emploi. Une des réponses imaginées à cette époque a consisté à développer l’emploi de proximité des personnes à faible qualification. Les élus, les agents territoriaux, les associations d’aide aux personnes âgées ou handicapées se sont impliqués dans la création d’emplois de proximité non délocalisables, à faibles niveau de qualification financé par la collectivité territoriale et l’Etat. Ce « pacte social » est encore largement actif aujourd’hui. Tout doit être fait pour réaliser le maximum d’heures de prestations humaines à domicile. Les technologies sont des matériels facultatifs qui réduisent le financement du nombre d’heures pour l’aide ménagère.

Cela explique en grande partie le différentiel de taux d’équipement en téléassistance que l’on constate dans les pays d’Europe du Nord depuis trois décennies. Certains voudraient que cette différence soit due à la structure familiale plus distendue en Europe du nord par rapport aux familles latines. L’Espagne est le contre exemple, avec ces dernières années une progression remarquable par le nombre d’abonnés en téléassistance équivalent à celui de la Grande Bretagne. La téléassistance est utilisée en France par environ 350 000 abonnés (1,2 millions aux UK, pour une population à peu près équivalente). La croissance est régulière mais modérée avec 5% l’an depuis 5 – 6 ans. Le renouvellement des abonnés est de 25 % par an avec une moyenne d’âge de 83- 84 ans qui correspond à des situations de dépendance lourde et médicalisée. L’usage principal à domicile n’est donc pas celui d’un outil de prévention des chutes et des situations à risques, mais celui d’un appel malade en établissement hospitalier.

Une des caractéristiques principales de la téléassistance aux personnes âgées serait de donner l’alerte en cas de chutes à domicile ou à proximité. Ces accidents rentrent dans la catégorie des « AcVC – Accidents de la Vie Courante »

« Les Accidents de la Vie Courante sont des traumatismes non intentionnels qui ne sont ni des accidents de la circulation, ni des accidents du travail. Ces accidents surviennent à la maison, ou dans ses abords immédiats (jardin, cour, garage, et autres dépendances), à l’extérieur (dans un magasin, sur un trottoir, à proximité du domicile, etc.), dans un cadre scolaire, lors d’une pratique sportive, pendant les vacances ou les loisirs. » (Définition de l’Institut de Veille Sanitaire)

On estime le nombre d’Accidents de la Vie Courante à onze millions chaque année. En 2006, le nombre de décès du à un AcVC chez les personnes âgées entre 75 et 84 ans est de 4 700 et de 7 300 chez les plus de 85 ans sur un total de 20 000 décès/an. La chute est la principale cause d’hospitalisation en urgence des personnes de plus de 75 ans. Pourtant, très peu de personnes âgées se sont équipées d’un détecteur de chute (accéléromètre, détecteur d’immobilité, de perte de verticalité, mesure de la température corporelle). Techniquement, les matériels existent mais ils ne détectent pas toutes les chutes. Les conditions générales d’abonnement à un tel système d’alerte n’engagent pas le prestataire à un résultat à 100%, et c’est normal.

En fait, lorsqu’une personne âgée fait une chute et qu’elle arrive aux urgences de l’hôpital on ne lui demande pas si elle avait sur elle un détecteur de chute. Cela serait pourtant naturel de poser cette question comme pour le port de la ceinture de sécurité pour un automobiliste qui arrive avec un traumatisme crânien. Tout se passe comme si, c’était la faute à « pas de chance » si la personne n’était pas équipée et qu’elle est restée plusieurs heures, allongée sur le carrelage au péril de sa vie, avant d’être secourue. Par contre, si elle était équipée et que le détecteur de chute n’a pas donné l’alerte, chacun s’accorde à dire qu’il y a une faute grave dont on ne connaît pas la cause exacte, certes, mais qui justifie des indemnités importantes de la part de la société de téléassistance et de l’assureur. Entre les deux situations, il nous manque un accord de consensus raisonnable entre les assureurs, les professionnels de santé et les familles.

Si nous considérons qu’un dispositif de détection de chute respecte les protocoles d’usage ; si l’efficacité du dispositif a été prouvée comme pour un médicament par des expérimentations avec de nombreux usagers ; si les moyens mis en œuvre par les professionnels sont vérifiables par des experts ; alors la responsabilité pour faute ne pourra pas être engagée et la demande en indemnité des assureurs ne pourra pas être réclamée. En absence de ce consensus, il reste préférable de ne pas équiper les personnes âgées d’un détecteur de chute. Chacun des acteurs reste précautionneusement sur son champ de compétence. C’est la faute à « pas de chance ».

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Cet article a été publié par la Rédaction le

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