Tribune libre à Philippe GUILLAUME : Cadre dirigeant d’entreprise et entrepreneur en gérontechnologies, différences et similitudes

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Ce texte a été proposé et rédigé par Philippe GUILLAUME, PDG de la Société MEM-X Diffusion et Président de la Grappe d’entreprises Sol’iage.

MEM-X Diffusion Asipag

Cadre dirigeant d’entreprise et entrepreneur en gérontechnologies, différences et similitudes

> Le cadre dirigeant d’entreprise

Marc a quarante sept ans, il a fait des études supérieures dans l’une de ces écoles de commerce qui font la fierté du système éducatif Français, et sont quasiment inconnues hors de nos frontières. Il a fondé une famille modèle avec sa femme Catherine qui a repris une activité professionnelle lorsque leur fille Adèle est sortie de l’adolescence (est-ce d’ailleurs vraiment le cas?). Leur fils aîné Pierre est quant à lui parti terminer ses études d’ingénieur aux Etats-Unis il y a un an déjà.

Marc dirige l’une des multiples filiales d’un grand groupe hexagonal, il passe beaucoup (trop) de temps en réunions multiples, son agenda est surchargé, ce dont il se plaint tout en paniquant dès qu’une journée sans rendez-vous se profile à l’horizon. Il a appris à déléguer (ce qu’il fait toujours avec difficulté); se contraint à écouter ses équipes à intervalles réguliers bien que les ingrats se plaignent de l’inutilité de l’exercice puisque tout ce qu’ils demandent est systématiquement refusé (trop cher ou trop compliqué). Marc n’a pas le choix c’est une « Corporate Policy ».

Marc a une assistante qui fait tout sauf l’assister depuis qu’on lui a demandé de reprendre une partie des missions de deux autres personnes remerciées lors de la dernière restructuration de la filiale; il doit se débrouiller seul avec son ordinateur et son Smartphone pour gérer ses rendez-vous, ses emails et le reste. Marc voyage beaucoup (en business) et passe une bonne partie de son temps dans les salles d’attentes des aéroports, mais grâce au 3G il reste connecté à sa filiale et pilote à distance ceux dont il se demande régulièrement ce qu’ils feraient sans lui.

Le soir Marc rentre chez lui fatigué au volant de sa puissante voiture de fonction, se plaint souvent de l’ineptie des règles corporate, et répète à qui veut l’entendre que s’il avait sa propre entreprise il serait bien plus heureux, et n’aurait plus cette impression désagréable de perdre son temps et de gâcher son talent.

> L’entrepreneur en gérontechnologies

Paul n’a pas d’âge mais il est mature et responsable, soucieux de son environnement et des gens qui l’entourent. Il a fait un choix de vie qui comprend des risques: créer une entreprise, surtout dans un secteur qui quant à lui n’est pas mature, prometteur mais dans lequel aucune réussite éclatante n’est encore à noter. Paul s’en moque, il n’a pas choisi le secteur des gérontechnologies par goût de l’argent, mais parce que sa grand-mère a connu une fin de vie difficile et qu’il voudrait faire quelque chose pour toutes les personnes âgées en difficulté qu’il voit dans son entourage. Et puis Paul pense qu’un jour forcément ce secteur explosera et alors… qui sait?

Paul a eu une idée géniale, c’est ce que lui disent tous ses amis, et même les conseillers en création d’entreprise qu’il a rencontré. Il a déposé des brevets, fait évaluer son produit, et tout lui confirme que sa solution est adaptée, et donc promise à un avenir commercial florissant. En attendant il court les subventions, concours et autres distinctions pour faire connaitre son produit à moindre frais et, éventuellement, ramasser les quelques subventions qui l’aideront toujours à passer le cap jusqu’à ce que le succès commercial qui ne manquera pas d’arriver pour son produit en plein dans l’air du temps, lui permette de commencer à équilibrer les comptes de sa petite entreprise.

Paul ne compte pas ses heures et ne fait pas trop la différence entre la semaine et le week-end, mais son activité le passionne et puis c’est sa boîte alors… Sa petite famille ronchonne bien un peu, mais tous ont bien conscience que l’activité de la petite startup est « d’utilité publique », et puis Paul se dit que l’année prochaine les ventes auront décollé, et ils sera toujours temps de prendre des vacances à ce moment là.

Paul n’est pas seul, il a dans son réseau d’autres entrepreneurs qui vivent la même situation que lui et il se dit que c’est normal : « Rome ne s’est pas faite en un jour ». Il se décourage de temps en temps, mais jamais bien longtemps, car il y a toujours le sourire d’un utilisateur ou d’un aidant pour lui confirmer que ce qu’il fait est utile.

> Leurs différences

Marc et Paul sont de toute évidence dans des mondes très différents par bien des points.

Les différences de langage permettent de se situer : lorsque le grand groupe utilise beaucoup d’acronymes truffés anglicismes: Return On Investment – Sales – Slow moving (c’est plus international donc plus chic), la startup des gérontechnologies se contentera de Retour Sur Investissement, de Ventes et de Stocks invendus, mais ses acronymes favoris seront plus de l’ordre du service (MAD – EHPAD – SAP,…) tous bien de chez nous.

Quand Marc a sur son bureau un superbe morceau de marbre sur lequel son « chairman of the board » déclare fièrement que: « le client est au centre de nos préoccupations », Paul n’a pas trouvé utile de l’écrire, il a un besoin vital de ses clients sans lesquels il peut dire adieu à sa belle aventure. Il les connait tous et a des relations personnelles avec chacun d’entre eux.

Marc a appris à déléguer pour valoriser ses collaborateurs et justifier d’effectifs dont son conseil d’administration lui demande régulièrement de justifier l’absolue nécessité (les temps sont durs même pour les groupes qui font des profits à deux digits). Paul lui aimerait bien déléguer, mais entre les contrats d’apprentissage, les CDD et autres emplois subventionnés, il a bien du mal à garder du personnel assez longtemps pour que sa formation soit suffisante, et il se retrouve bien souvent à la manÅ“uvre pour pallier les « coups de bourre ».

Financièrement aussi nos deux dirigeants sont confrontés à des problématiques différentes. Quand Paul passe beaucoup de temps à remplir des dossiers interminables pour obtenir un prix, une subvention, une exonération ou un remboursement, Marc quant à lui doit participer à des business reviews qui lui demandent un temps de préparation beaucoup trop important, lui semblent revenir beaucoup trop souvent, et pour un résultat souvent nul.

Pourquoi Paul se sent il libre tandis que Marc a la sensation d’avoir toujours une chape de plomb sur la tête? Pourtant Paul est tributaire de ses financements et Marc, à chaque étape de son ascension hiérarchique, a eu l’impression que la liberté l’attendait à l’échelon supérieur.

Mais Paul souffre parfois car si sa motivation est grande, elle est inversement proportionnelle à sa rémunération. Mais ça aussi c’est pour plus tard, quand la société sera lancée et fera des bénéfices. Pendant ce temps là Marc a un salaire conséquent et régulier (qu’il pense ridicule par rapport à celui de son N+2), des stock options, une voiture de fonction et des tickets restaurants, mais il le vaut bien n’est-ce pas?

> Leurs points communs

Marc et Paul dirigent une entreprise, ils fréquentent les mêmes cercles de dirigeants bien que leur réalité quotidienne soit bien différente. Il leur faut de la créativité pour faire face chaque jour aux difficultés quotidiennes, encore qu’en ce qui concerne Marc, sa créativité doit être validée par le comité d’évaluation central corporate, ce qui souvent tue dans l’Å“uf toute proposition qui ne serait pas formatée dans la tradition du groupe. Tous les deux doivent utiliser leur empathie naturelle pour motiver leur personnel, ils ont les mêmes difficultés pour trouver le financement pour une augmentation ou un élément de motivation financière, même si Paul, une fois le financement trouvé, n’a plus aucune contrainte autre que légale pour la mise en place de sa décision.

Leur premier rendez-vous du matin est pour la courbe des ventes, le nerf de la guerre. Pour Marc comme pour Paul le moral de la journée dépendra des ventes de la veille, car comment remplir toutes les lignes du bilan s’il n’y a rien à mettre dans celle du haut? Là encore ils ne sont pas tout à fait égaux, car si Paul s’est lancé seul dans un secteur en devenir avec un produit pour lequel le marché est à créer, Marc quant à lui est employé par un groupe qui n’investit qu’à coup sur, et attend sagement que des startups comme celle de Paul aient « essuyé les plâtres » avant de reprendre à leur compte les meilleurs idées ayant déjà fait leurs preuves commerciales. Du coup si Paul ne connait pas la concurrence ou si peu, la mission principale de Marc consiste à prendre des parts de marché en faisant plus vite et mieux que ses concurrents, sans oublier bien entendu d’optimiser tous les flux et process pour que le résultat bas de page soit en permanente progression tant en valeur qu’en pourcentage.

> Epilogue

Et puis la start up grandit, Paul se rend bien compte qu’il va lui falloir faire entrer un peu plus de capital pour développer son affaire, et comment faire sans abandonner un peu de son pouvoir de décision d’entrepreneur? Alors il passe des heures et des jours à remplir des formulaires, à faire et refaire son business plan, à présenter tout cela en 3 minutes trente dans des elevator pitch, des speed meetings durant lesquels il doit résumer le projet de sa vie devant un parterre d’auditeurs qui ne comprennent souvent que la partie chiffrée, et dans lesquels les entrepreneurs comme lui se succèdent à un rythme d’enfer.

Bonne nouvelle: le groupe de Marc vient de racheter la startup de Paul, Paul va enfin devenir un cadre dirigeant et avoir un salaire et des avantages, et puis, si la hiérarchie lui pèse, il pourra toujours créer une nouvelle startup…

Philippe GUILLAUME


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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