Une scène inhabituelle s’est jouée devant le Parlement britannique : au lieu de foules brandissant des pancartes, ce sont des visages projetés sur des écrans géants qui ont attiré l’attention. Des aidants non rémunérés, épuisés, invisibles, ont protesté… depuis chez eux. Incapables de quitter leur domicile, ils ont trouvé un moyen inédit de faire entendre leur voix : une manifestation à distance baptisée “Protest from Home”.

- Des aidants ont manifesté depuis chez eux au Royaume-Uni via la campagne #ProtestFromHome.
- Des visages projetés sur des écrans ont défilé devant le Parlement.
- Objectif : alerter sur l’absence de droit au répit pour les aidants non rémunérés.
- En moyenne, ils ont 54 minutes de pause par jour.
- Une pétition nationale demande un vrai droit au repos.

Aidants : Un défilé virtuel, une détresse bien réelle
Imaginée par Carers Trust et Uncommon Creative Studio, cette campagne de sensibilisation a permis à des centaines d’aidants de participer symboliquement à une manifestation sans quitter leur poste auprès de leurs proches dépendants. Leurs témoignages, souvent bouleversants, ont été diffusés sur des digivans, des camions équipés d’écrans LED, qui ont sillonné Westminster.

Sur les écrans, des messages simples mais poignants :
- « Je veux une soirée entre filles«
- « Je veux faire une grasse matinée, je n’en ai jamais fait«
- « Je veux sortir plus souvent«
Ces phrases résument le quotidien d’environ six millions de Britanniques qui prodiguent des soins à un proche sans recevoir ni salaire, ni soutien suffisant de l’État.
Une mobilisation relayée jusqu’au Parlement Britannique
Quelques heures après le début de la manifestation, la députée libérale-démocrate Jessica Brown-Fuller évoquait l’événement à la Chambre des communes, saluant une initiative « puissante » pour ceux qui « ne peuvent même pas quitter leur domicile pour protester ». Le ministre de la Santé, Wes Streeting, a lui aussi salué une « démonstration vibrante des défis auxquels sont confrontés les aidants », promettant de porter la question auprès du Cabinet.
Greg Wise, acteur et ambassadeur de Carers Trust, lui-même ancien aidant pour sa sœur, a exprimé son soutien à l’opération : « Je sais à quel point la vie d’un aidant peut être difficile. Il est temps que le gouvernement voie et entende ces personnes. »

Une réalité alarmante documentée par les chiffres
Une étude menée par Carers Trust auprès de 250 aidants met en lumière l’ampleur du problème :
- 29 % ne prennent presque jamais de pause.
- 15 % déclarent ne jamais s’arrêter.
- 60 % se disent en épuisement chronique.
- 67 % ne prévoient plus de vacances.
- En moyenne, un aidant non rémunéré bénéficie de 54 minutes de répit par jour, soit 13 jours par an, bien en deçà des standards applicables aux travailleurs salariés.
Et pourtant, 44 % d’entre eux n’aspirent qu’à une chose : faire une simple promenade.
Aidants : Des vies mises en lumière, une pétition en ligne
La campagne s’accompagne d’un film documentaire racontant le quotidien de huit aidants, dont un adolescent de 14 ans à Eastbourne ou encore une femme de 62 ans s’occupant de trois membres de sa famille à Merseyside. Ces récits ont été projetés en continu devant les bâtiments gouvernementaux, offrant aux passants une plongée intime dans une réalité trop souvent ignorée.
Dans le même temps, Carers Trust a lancé une pétition réclamant un droit légal au répit pour les aidants non rémunérés. À ce jour, près de 7 000 signatures ont été recueillies.
Les aidants : Une communauté essentielle mais oubliée
Kirsty McHugh, directrice générale de Carers Trust, dénonce une dépendance systémique à l’engagement des aidants :

Pendant des décennies, les gouvernements successifs ont compté sur les aidants non rémunérés pour fournir des services sociaux à moindre coût, ce qui a retardé la nécessité de trouver un financement et un soutien à long terme.
Kirsty McHugh
Duncan Clark, créatif chez Uncommon et aidant à temps partiel, renchérit :

Les aidants non rémunérés ne demandent pas grand-chose : notre étude a révélé que s’ils avaient un peu plus de temps libre, 44 % d’entre eux souhaiteraient simplement sortir se promener. Cette manifestation vise à attirer l’attention du gouvernement sur les aidants non rémunérés, à un moment où tout le pays semble prendre des vacances, sauf eux.
Duncan Clark
Une pression politique croissante
Jessica Brown-Fuller a demandé au gouvernement d’instaurer un droit statutaire au répit et de mettre fin au système précaire concernant l’Allocation de l’Aidant, un mécanisme par lequel toute aide financière est perdue dès que l’aidant gagne un pound de trop.
Le ministre a reconnu les lacunes actuelles et s’est engagé à relayer les propositions auprès du ministère du Travail et des Retraites, sans pour autant annoncer de mesure concrète immédiate.

« Ce n’est pas une protestation. C’est un appel à l’aide »
La campagne « Protest from Home« , déjà largement relayée dans les médias britanniques (BBC, ITV, The Guardian, Good Morning Britain), marque une étape importante dans la reconnaissance publique du rôle des aidants. Elle ne revendique pas un luxe, mais un droit fondamental : le droit au repos.
Alors que le Royaume-Uni entame sa trêve estivale, les aidants, eux, ne prennent pas de vacances. Leur combat silencieux vient de se faire entendre, haut et fort, au cœur même du pouvoir.
Cet article a été publié par la Rédaction le



