Plus on est riche, plus on vit longtemps. Ce constat, déjà bien documenté, se durcit encore. Une étude publiée par l’Insee révèle un creusement des écarts d’espérance de vie entre les Français les plus modestes et les plus aisés entre 2012-2016 et 2020-2024. Derrière les moyennes nationales, une fracture sociale et profonde persiste.

- Une étude de l’Insee montre un creusement des inégalités d’espérance de vie entre les Français les plus modestes et les plus aisés sur la période 2020-2024.
- L’écart atteint 13 ans chez les hommes et 9 ans chez les femmes, avec une différence marquante entre femmes favorisées et hommes modestes.
- Les risques de mortalité sont nettement plus élevés chez les populations à faibles revenus, dès l’âge adulte, en lien avec les conditions de vie et l’accès aux soins.
- Le revenu améliore fortement l’espérance de vie aux niveaux les plus bas, mais cet effet s’atténue nettement chez les plus hauts revenus.
- Ces inégalités, à la fois sociales et territoriales, se sont accentuées ces dernières années et posent un enjeu majeur de santé publique.

En France, l’espérance de vie continue d’augmenter, mais cette progression ne bénéficie pas à tous de la même manière. Sur la période 2020-2024, l’écart d’espérance de vie à la naissance entre les 5% les plus aisés et les 5% les plus modestes atteint 13 ans chez les hommes et 9 ans chez les femmes. Les hommes les plus pauvres vivent en moyenne jusqu’à 72 ans, contre 85 ans pour les plus riches. Chez les femmes, l’écart s’établit à 80,1 ans pour les plus modestes et 88,7 ans pour les plus aisées.
Plus frappant encore, les femmes appartenant aux catégories les plus favorisées vivent en moyenne 17 ans de plus que les hommes issus des catégories les plus modestes. Une différence qui résume à elle seule l’ampleur des inégalités sociales et sexuées face à la mortalité.

Des risques de décès massivement plus élevés chez les plus modestes
Ces écarts se traduisent concrètement dès l’âge adulte. À 50 ans, le risque de mourir dans l’année est sept fois plus élevé chez les hommes les plus modestes que chez les plus aisés. Chez les femmes, ce rapport atteint un maximum de six autour de 55 ans. Ces différences s’expliquent par l’accumulation, au fil des ans, de facteurs de risques liés aux conditions sociales : expositions plus fortes aux risques professionnels, maladies chroniques plus fréquentes, comportements de santé moins favorables et accès plus restreint aux soins.
L’étude souligne notamment que les difficultés financières peuvent conduire à des renoncements aux soins : parmi les 20% les plus modestes, 3,2% des personnes déclarent avoir renoncé à des examens médicaux pour des raisons financières, contre 1,8% dans l’ensemble de la population.
Quand le revenu protège… de moins en moins
Si l’espérance de vie augmente avec le niveau de vie, cette relation n’est pas linéaire. Aux alentours de 1 200 euros mensuels, 100 euros supplémentaires sont associés quasi une année de vie en plus.
Mais cet effet s’atténue fortement aux niveaux de revenus plus élevés : autour de 3 000 euros par mois, le gain tombe à seulement quelques mois d’espérance de vie. Autrement dit, les gains de longévité sont particulièrement décisifs aux niveaux de vie les plus bas, où se rencontrent vulnérabilités sociales et sanitaires.

Espérance de vie : Un creusement récent des écarts
Entre les périodes 2012-2016 et 2020-2024, l’écart d’espérance de vie s’est encore accentué. Sur huit ans, l’espérance de vie moyenne a peu progressé : +0,2 an pour les femmes et +0,6 an pour les hommes. Mais dans le détail, la situation diverge fortement selon le niveau de vie. L’espérance de vie des 25% les plus modestes recule tandis que celle des personnes les plus riches s’élargit, signe que les causes de décès les plus marquées socialement pèsent davantage qu’auparavant.
En France, des territoires inégaux face à la longévité
Les inégalités ne sont pas uniquement sociales, mais aussi territoriales. À âge, sexe et niveau de vie comparable, on vit plus longtemps dans les Pays de la Loire et en Occitanie et moins longtemps dans les Hauts-de-France par exemple.
Ces différences persistent même après prise en compte du niveau de vie, suggérant donc l’influence des facteurs environnementaux, culturels, comportementaux ou liés à l’offre de soin.
Une espérance de vie “fictive” mais des écarts bien réels
L’Insee rappelle que l’espérance de vie est un indicateur statistique, fondé sur des calculs fictifs. Elle ne prédit pas la durée de vie individuelle mais, elle permet de mesurer avec précision les écarts de mortalités entre les deux groupes sociaux. De ce point de vue, le constat est sans appel : les inégalités face à la mort ne se réduisent pas en France, elles s’aggravent.
Derrière ces chiffres, l’étude met en lumière une réalité durable : la santé et la longévité sont intrinsèquement liées aux conditions de vie. Et à l’heure où la mortalité stagne pour certaines générations, la question des inégalités sociales de santé s’impose plus que jamais comme un enjeu central de politique publique.
Cet article a été publié par la Rédaction le



