« Lettre aux « invulnérables » du Conseil de l’âge Ou pourquoi remplacer « dépendance » par « vulnérabilité » n’a aucun sens  » Tribune d’Edouard de Hennezel

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En octobre 2019, le Conseil de l’âge a rendu un avis sur la terminologie du grand âge afin de lutter contre toute appellation stigmatisante et discriminante à l’encontre des personnes âgées. Remplacer « dépendance » par « vulnérabilité » n’a aucun sens selon Edouard de Hennezel, fondateur du Cercle Vulnérabilités et Société.

Une très courte majorité a notamment adopté le remplacement des termes « dépendance / dépendante » – qui figurent dans les textes officiels pour qualifier une personne âgée de plus de 60 ans en situation de perte d’autonomie – par « vulnérabilité / vulnérable », et ce, malgré de nombreuses critiques et réserves formulées par plusieurs de ses membres, parmi lesquels on compte la Drees, l’Unaf, la Cnav, l’UNCASS, le CNCPH, le CTIP, la FEHAP et la Fédésap.

Edouard de Hennezel

Il est vrai que la « dépendance » désigne encore trop souvent les personnes âgées en perte d’autonomie, avec le risque de stigmatisation que comporte la réduction d’une catégorie d’individus à un état que leur situation – physique, affective, morale – assujettit à un tiers.

Mais en l’espèce, on ne peut que s’étonner du choix sémantique du Conseil de l’âge.

La vulnérabilité définit un état, une aptitude à être blessé. C’est le propre de tout être humain, et non d’une fraction « dépendante » de la population. Nous sommes tous, de façon plus ou moins marquée, des êtres vulnérables, et notre vulnérabilité est même la pierre angulaire de toute société puisque, sans elle, la sociabilité devient inerte, privée du besoin à être aidé qui nous pousse vers l’autre pour entrer en relation avec lui.

Nous ne sommes pas tous des personnes âgées en perte d’autonomie. Si demain on devait utiliser « personne vulnérable » pour les désigner, cela reviendrait à désigner tous les autres comme autant de « personnes invulnérables », c’est-à-dire ayant perdu toute humanité, n’ayant plus besoin d’autrui, donc pouvant se passer de tout lien social. On comprend ici toute l’absurdité du choix de ce mot.

Enfin, qui peut croire qu’un mot – « vulnérable », voire un autre – a suffisamment de pouvoir pour changer à lui seul des représentations à une telle échelle ?

Et qui nous dit que demain, il ne finira pas par engendrer le même effet discriminant et stigmatisant que celui que l’on veut combattre ? Ceux-là mêmes qui veulent le remplacer en appelleront-ils alors à nouveau à son renouvellement ?

Choisir un nouveau mot, au mépris de son sens, au seul motif qu’il conviendrait mieux parce qu’il n’est pas connoté négativement, n’est pas très sérieux.

Mieux vaudrait d’abord remettre à plat la logique des représentations en y associant les personnes concernées.

D’ailleurs, ont-elles été même consultées ?


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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