Le Premier ministre Sébastien Lecornu vient de proposer un « nouvel acte » de décentralisation : allocation sociale unique, clarification des compétences, rôle renforcé des départements sur l’accès aux soins et le maintien à domicile.
> L’hebdo du Vieillissement du Pr Bertrand Fougère : « Décentralisation, départements et parcours de vie des aînés »

Ce que la décentralisation peut apporter de positif pour les personnes âgées
- Des départements chefs de file de l’autonomie, capables d’articuler APA, handicap, logement, mobilité, action sociale, soutien aux aidants dans des schémas territoriaux d’autonomie clairs
- Une meilleure coordination des acteurs de terrain (services d’aide à domicile, EHPAD, CLIC, DAC, CCAS…) autour de parcours de vie, plutôt que de silos sectoriels
- La possibilité de soutenir des réponses très territorialisées : habitats inclusifs, dispositifs de répit, plateformes aidants, innovations de maintien à domicile, etc
Décentralisation : Les points de vigilance majeurs
- Le transfert envisagé d’une large part du médico-social aux départements et d’une partie de la santé aux préfets, avec un affaiblissement des ARS, inquiète de nombreux acteurs qui redoutent une atteinte à l’égalité d’accès aux soins et une plus grande dépendance vis-à-vis d’acteurs privés puissants
- Les départements sont déjà sous forte tension financière sur les allocations individuelles de solidarité ; leur confier davantage d’autonomie sans garanties solides de financement, c’est prendre le risque d’accentuer les inégalités territoriales
- L’expérience de 40 ans de décentralisation montre une imbrication confuse des compétences et un paysage illisible pour l’usager ; ajouter un « acte » supplémentaire sans clarifier vraiment qui fait quoi serait contre-productif pour les personnes âgées et leurs proches
Quelle place pour l’État, les ministères et les directions centrales ?
Décentraliser ne doit pas signifier se désengager
L’État doit rester :
- Garantie nationale des droits : définir des standards minimaux (accès aux soins, délais, qualité, prévention, soutien aux aidants) et contrôler leur respect partout
- Stratège : fixer un cap commun (logique de parcours, virage domiciliaire, lutte contre les inégalités), articuler santé et solidarités, piloter la donnée (système d’information, évaluation, recherche)
- Régulateur-évaluateur via les Directions d’Administrations Centrales… : accompagner, soutenir, mais aussi dire non quand une réforme territoriale menace l’universalité de la solidarité nationale
En résumé : oui à une autonomie renforcée des territoires pour inventer des réponses de proximité ; non à une « balkanisation » de la vieillesse en 101 politiques sociales inégales
L’hebdo du Vieillissement est une tribune régulière du Pr Bertrand Fougère

Bertrand FOUGÈRE
Professeur de Gériatrie
Pôle Vieillissement – Université / CHU ToursBertrand Fougère est Professeur de Gériatrie, depuis 2018 spécialiste reconnu dans le domaine du vieillissement et de la prise en charge des personnes âgées. Fort de son expertise, il collabore régulièrement avec les ministères de la Santé et des Solidarités pour développer des politiques de prévention et d’accompagnement innovantes. Son parcours est marqué par une participation à des initiatives structurantes visant à renforcer l’autonomie et la qualité de vie des personnes âgées, ainsi qu’à soutenir les aidants.
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