Un regard sur les Gérontechnologies

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Une tribune libre sous la forme d’un dossier complet proposé par Michaël CARRE, co-fondateur avec Erwann GRAVOT de MEDIALIS, structure spécialiste des technologies au service de l’autonomie des personnes âgées.

Le vieillissement démographique qui caractérise la plupart des pays occidentaux représente un défi majeur pour le XXIe siècle, à la fois médical, socio-culturel et économique. D’une part, le maintien à domicile en est l’un des enjeux clés. D’autre part, le développement des nouvelles technologies de l’information et de la communication dans le secteur médico-social pourrait être une piste intéressante pour favoriser la santé, la sécurité, la mobilité, la communication, les loisirs et plus généralement la qualité de vie des personnes âgées et de leurs aidants, familiaux ou professionnels.

Cependant, le concept même de « gérontechnologies » semble déshumanisant … il n’a pourtant rien à voir avec Terminator ni avec l’inspecteur Gadget ! Bien au contraire, face aux recherches et développements menées par les industriels, les professionnels aussi bien médecins, ergothérapeutes, infirmiers, kinésithérapeutes que pharmaciens, ou assistantes sociales … se posent des questions légitimes : en quoi les technologies modernes peuvent aider à compenser la perte d’autonomie, avec quelles applications concrètes et selon quelles conditions de mise en œuvre ?

Les besoins apparaissent en effet aujourd’hui gigantesques au regard de l’augmentation de nombre de personnes âgées en perte d’autonomie dans les prochaines décennies, que ce soit dans le domaine de la communication, de la sécurité ou des déplacements. Dans ce contexte, toutes les ressources sont les bienvenues, notamment les aides technologiques, et des conseils d’experts comme ceux de Médialis nécessaires.

Le succès du déploiement de ces technologies pour l’autonomie repose avant tout sur des recherches et développements centrées sur les usagers, mêlant les industriels aux professionnels médicaux et paramédicaux. Force est de constater qu’aujourd’hui les gérontechnologies n’appartiennent plus au domaine de la science fiction, et franchissent actuellement les obstacles – financiers et ergonomiques notamment – qui les séparent des institutions, EHPAD et accueils de jour en particulier, mais aussi bientôt du domicile.

Nous vous proposons, au travers de ce dossier, de découvrir les matériels qui peuvent sensiblement améliorer la qualité de vie des personnes âgées ainsi que de leurs proches, mais aussi améliorer dès aujourd’hui les conditions de travail des professionnels médico-sociaux. Il s’agit également de mener une réflexion sur l’ensemble des dimensions éthiques posées par ces perspectives nouvelles, qui mettent en jeu le respect des droits et libertés de chacun.

1. Introduction aux gérontechnologies et place de l’éthique

Bref panorama des nouvelles technologies au service des personnes âgées

L’habitat intelligent s’applique tant au domicile qu’à l’institution. Il ne s’appuie bien sûr pas uniquement sur des innovations de rupture : un chemin lumineux s’éclairant automatiquement jusqu’aux WC lorsque la personne âgée se lève la nuit, un abattant de toilettes inclinable, un monte-escalier silencieux, un lit médicalisé commandé au souffle par des personnes atteintes de sclérose en plaques ou dont le matelas peut descendre jusqu’au sol pour prévenir les chutes sont autant de dispositifs disponibles sur le marché, pouvant améliorer la qualité de vie des personnes âgées et de leur entourage sans pour autant modifier de façon conséquente leurs habitudes ou leur environnement quotidien.

En matière de lien social, l’innovation touche à la fois la téléphonie fixe et la téléphonie mobile. Les téléphones fixes à grosses touches pour personnes âgées sont peu à peu remplacés à l’intérieur de la maison par des bracelets-montres innovants. En téléphonie mobile, l’utilisation de téléphones simplifiés avec moins de touches, plus contrastés, voire à commande vocale a de plus en plus de succès. Il existe même aujourd’hui un téléphone avec un unique bouton : Bazile. Particulièrement dédié aux seniors et aux personnes mal ou non-voyantes, ce petit boîtier permet d’entrer directement en relation avec une opératrice simplifiant ainsi toutes les complications liées à l’usage d’un répertoire. Basile a par ailleurs été agréé comme service à la personne. Pour la visiophonie, l’enjeu était de passer par la télévision, canal majeur et familier à tout senior. C’est chose faite depuis 2008 ! Des bouquets d’offre de services se déploient via cette interface et se voient ainsi proposés à un marché grand public. En ce qui concerne la stimulation cognitive, des logiciels plus ou moins médicaux (Mindfit et HAPPYneuron pour ne citer que les deux principaux) ainsi que de nouveaux dispositifs informatiques d’animation en établissement par stimulation multi sensorielle, olfactive en particulier (par exemple la WIZZBOX d’Animagine Pétrarque formation) ont été développés. L’informatique s’adapte elle aussi : écrans tactiles, visio-conférence, dispositifs très spécifiques comme la souris anti-tremblements pour parkinsonien, simples d’installation et d’utilisation, se démocratisent.

En matière d’autonomie, la domotique, (c’est-à-dire le contrôle de l’environnement, au moyen d’interfaces tactiles et d’interrupteurs de plus en plus élaborés, ex : commandes vocales) joue un rôle essentiel. Après s’être développée dans le monde de l’hôtellerie (afin d’automatiser les commandes) puis dans les établissements de santé (motorisation des portes des parties communes, essentiellement au service des populations en fauteuil roulant), la domotique fait enfin son apparition au domicile des personnes fragilisées par le grand âge ou un handicap. Portes, lits ou volets automatisés, commande des luminaires, du chauffage, du gaz, etc. permettent un gain en qualité de vie, voire de réaliser des économies d’énergie conséquentes. En ce qui concerne les repères spatio-temporels, vous avez dû voir apparaître les horloges et les aide-mémoires vocaux dédiés aux personnes atteintes de la maladie d’Alzheimer, où votre voix (aidant ou proche) rappelle l’anniversaire de leur petite nièce ou un rendez-vous avec un voisin par exemple.

En matière de sécurité, les médias ont beaucoup parlé ces derniers temps de la prévention de « l’errance », problème majeur rencontré en EHPAD comme à domicile. Des dispositifs de GPS se sont développés sous forme de balises, de bracelets et de sites web, mais ne sont encore que peu répandus. Des dispositifs vous permettent également de localiser une personne ou un objet à l’intérieur d’un bâtiment (via des technologies comme le RFID). En parallèle, sont proposés des dispositifs d’appels malade et des contrôles d’accès nouvelle génération. Par ailleurs, des détecteurs de chute nouvelle génération apparaîtront bientôt sur le marché : ils s’appuieront soit sur des systèmes couplés (petit dispositif porté en permanence par la personne âgée et système expert de levée de doute placé dans son lieu de vie), soit sur des solutions originales de type « tapis » constitués de dalles intelligentes informant sur la position et pouvant de plus analyser les déambulations.

En ce qui concerne le suivi d’activité, la téléassistance et la télémédecine connaissent aujourd’hui des innovations significatives et sont intégrées à des plateformes proposant un plus large éventail de services à la personne. Des bracelets-montres mesurent le suivi d’activité de la personne et transmettent l’information aux aidants, naturels ou professionnels. Il vous est ainsi possible de suivre les activités diurnes et nocturnes de personnes au rythme de vie perturbé par la maladie (agitation, réaction à une nouvelle posologie).

La place de l’éthique aujourd’hui

Dans un contexte de détresse profonde (solitude, handicap, précarité etc.), les sirènes des nouvelles technologies peuvent être perçues à la fois comme source de séduisantes promesses mais aussi comme étant à l’origine de craintes justifiées (futur robotisé, spectre du Big-Brother, chômage des professionnels, atteinte aux libertés individuelles etc.). C’est pourquoi, face à ces craintes, le succès du déploiement des gérontechnologies ne peut qu’être fonction du respect de certains critères « éthiques » indispensables :

  • La technologie doit être un support à la socialisation et non s’y substituer. Les visites à domicile et les sorties avec la personne âgée doivent bien sûr continuer, voire être facilitées par la technologie
  • La technologie ne doit jamais être perçue comme intrusive, il ne faut en aucun cas l’imposer : elle doit être acceptée sous peine d’être source de stress, d’angoisse et de mal-être pour les usagers qui finissent par la rejeter
  • La technologie doit pouvoir prendre le relais dans les moments de solitude et de danger, c’est une prothèse infaillible qui palie les déficiences fonctionnelles, un soutien à la fois psychologique et physique
  • La technologie doit présenter l’interface la plus simple possible (ex : visioconférence par le poste TV). Il s’agit de faciliter les démarches pour plus d’autonomie, non de les complexifier ou de bouleverser des habitudes

Les enjeux associés aux gérontechnologies sont de cinq ordres :

  1. L’évaluation du service rendu et de l’ergonomie de ces dispositifs ;
  2. La formation des professionnels et des aidants à toutes ces technologies ;
  3. Les aspects organisationnels : du temps pour le personnel à refocaliser sur sa vraie fonction de soignant, aussi bien à domicile qu’en institution ;
  4. Les aspects économiques puisque ces dispositifs ont un coût et peuvent être associés à un service payable par abonnement mensuel : de plus en plus de Conseils généraux réfléchissent à l’intégration de technologies dans le cadre de l’APA. Des solutions de financement sont à trouver, avec la CNSA par exemple ;
  5. Les aspects éthiques enfin, puisque l’acceptabilité est un élément essentiel.

2. Les principales familles de gérontechnologies en France

Qu’est ce que la gérontechnologie ?

La Gérontechnologie (ou Gérontotechnologie) est un domaine interdisciplinaire, né de la fusion de la gérontologie et des technologies. La pérennité de notre société vieillissante dépend en effet de notre efficacité à créer des environnements humains intégrant des technologies d’assistance ergonomiques, assurant une participation des seniors à une vie sociale indépendante et créative, dans un milieu confortable et sécurisé.

En résumé, la Gérontechnologie consiste à créer des environnements technologiques au service de la santé, du logement, de la mobilité, de la communication, des loisirs et du travail des personnes âgées. Les résultats des recherches dans ce domaine constituent une base permettant aux ergonomes, constructeurs, ingénieurs, industriels et professionnels de santé (gériatres, ergothérapeutes, infirmiers, psychiatres, psychologues, gérontologues, etc.) de créer un environnement de vie optimal pour une population aussi large que possible. Rappelons que l’on compte aujourd’hui en France 850 000 personnes dépendantes de 65 ans et plus, et que cette tranche de la population représentera près du quart des Français en 2012 !

La Gérontechnologie est considérée comme un moteur du progrès au service de la qualité de vie des personnes âgées, mais aussi du couple aidant-aidé dans une optique de prévention et d’aide aux aidants. En faisant émerger des solutions pour allonger la durée de « vie autonome » de la population, elle contribue à réduire les coûts de prise en charge en fin de vie. Le succès que connaissent les gérontechnologies au Japon, symbole de la longévité en bonne santé, est signe de l’importante prise de conscience des personnes âgées et de leurs familles de l’apport réel des technologies pour l’autonomie dans leur quotidien, le suivi de paramètres physiologiques en particulier (l’actimétrie).

Le cadre général de la Gérontechnologie peut être appréhendé comme un ensemble de domaines d’activités humaines comprenant :

  • La santé et l’estime de soi,
  • Le logement et les activités de la vie quotidienne,
  • La communication et l’autonomie,
  • La mobilité et le transport,
  • Le travail et les loisirs.

D’autres dimensions doivent également être prises en compte : la satisfaction, la prévention, la compensation, l’assistance et l’organisation des soins, sans oublier l’aide aux aidants.

Un contexte scientifique français favorable

En France, les réflexions médicales, sociales, scientifiques et éthiques associées aux gérontechnologies ont favorisé dès les années 2000 la création d’un groupe de travail spécifique au sein de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie. Sous l’impulsion de gériatres et de scientifiques comme le Professeur Alain Franco, ce groupement est devenu en mai 2007 une filiale scientifique à part entière : la Société Française de Technologies pour l’Autonomie et Gérontechnologie.

Cette Société Savante s’appuie également sur l’expertise de centre experts comme celui de Médialis afin de recenser et d’évaluer, en totale neutralité par rapport aux industriels, les gérontechnologies et technologies pour l’autonomie innovantes qui apparaissent sur le marché français. De nombreux indices prouvent d’ailleurs que les principales instances publiques et politiques françaises, telles la Caisse Nationale de Solidarité pour l’Autonomie (www.cnsa.fr) et la Haute Autorité de Santé (www.has-sante.fr), ont pris conscience de l’importance et de l’ampleur de ce travail. Le Ministre de la Santé et des Solidarités a ainsi sollicité en 2007 un rapport intitulé « Technologies nouvelles susceptibles d’améliorer les pratiques gérontologiques et la vie quotidienne des malades âgés et de leur famille » .

Domotique, maison adaptée et accessibilité

La domotique est au centre du concept d’« amélioration de la qualité de vie » : essentiellement considérée auparavant de façon luxueuse ou ludique, la domotique démultiplie tout particulièrement ses dimensions de source de confort et de bien-être pour les personnes âgées. En effet, tout comme les personnes en situation de handicap, ces dernières désirent conserver leur autonomie le plus longtemps possible, tout particulièrement au sein de leur domicile. De nombreux industriels tentent de plus en plus de lever les petits obstacles du quotidien : un monte escalier pour gravir les marches sans effort, une cuisine ou une salle de bain pensée pour des personnes peu mobiles (avec des baignoires à porte, ou même à fauteuils pivotants, des placards, plans de travail et lavabos à hauteur réglable électriquement), des contrôles d’accès pour personnes présentant des troubles cognitifs …

La maison devient communicante grâce au Wifi, un système reliant un ordinateur central à des commandes sans fil. Il existe plusieurs niveaux d’installations adaptés à l’habitat et au budget de chacun. Un petit boîtier centralise toutes les installations arrivant de l’extérieur (Internet, télévision, téléphone, …) et en programme ensuite la redistribution vers chacune des pièces de l’habitation. La domotique apporte donc à la fois confort et sécurité, et favorise effectivement le maintien à domicile : une alerte (intoxication possible au monoxyde de carbone, voire incendie) déclenchée par des détecteurs de fumée provoquera la coupure générale des circuits électriques et des systèmes de ventilation et de climatisation pour empêcher le drame ; la détection d’une consommation de gaz ou d’eau anormale entraînera la fermeture automatique des arrivées correspondantes et l’appel d’un téléphone portable ou d’un centre de télésurveillance…

En facilitant l’échange d’informations dans un logement, la domotique permet déjà aux personnes en perte d’autonomie de piloter à distance les équipements électriques de l’habitat (éclairages, chauffage, volets et stores motorisés, électroménager, appareils audiovisuels, portes et lits automatisés, …), selon leurs besoins et leur environnement. Une personnalisation du « service » est déjà possible, via des « scénarios » facilement programmables, c’est-à-dire des combinaisons d’actions automatisées qui aident l’utilisateur face à des actes difficiles ou répétitifs (s’assurer, par exemple, de la position fermée de toutes les fenêtres et de l’extinction de tous les luminaires une fois qu’elle se trouve dans son lit). Une personne à mobilité réduite peut ainsi déjà utiliser des systèmes de type contacteur et téléthèse (télécommande sophistiquée adaptée au handicap), ou à commande vocale pour contrôler son environnement, jusqu’à commander un fauteuil roulant ou un lit médicalisé par le souffle (utiles notamment pour des personnes atteintes de Sclérose en plaques). Les plus importantes sociétés d’électronique et de télécom développent des solutions dans ce domaine (Siemens, Legrand, Philips, Hager, etc).

Au Canada et bientôt en France, la domotique sera de plus en plus interconnectée au suivi de l’activité des personnes vieillissantes et plus généralement à la téléassistance. Des capteurs de nouvelle génération, non invasifs, détecteront les situations à problèmes, liées par exemple à une chute, voire même permettront d’en prévenir certaines (en s’appuyant sur les habitudes de vie des personnes au sein de leur lieu de vie).

Soulignons par ailleurs l’expérience exemplaire du Pôle domotique et santé de Guéret St-Vaury (en Creuse), qui porte depuis 2006 un projet innovant s’appuyant sur les technologies communicantes de l’habitat individuel et collectif pour améliorer le confort, la sécurité, la communication et l’autonomie de la population vieillissante. A cette fin, plusieurs projets d’expérimentation de « Packs domotique » ont été lancés dès 2007, en collaboration avec des industriels comme Legrand, France Télécom ou encore Vivago, au domicile de personnes dépendantes et en milieu institutionnel. Le projet a donc pour ambition d’améliorer la qualité de vie des personnes âgées mais également de leur famille et des professionnels des secteurs médical et médico-social qui les accompagnent. Pour atteindre ces objectifs ambitieux, le conseil général de la Creuse a décidé de lancer en 2008, avec le soutien de Médialis notamment, une démarche d’évaluation de la pertinence technique des solutions retenues mais aussi et surtout de l’impact de ses solutions sur la qualité de vie des personnes dépendantes et de leurs aidants professionnels ou familiaux. Le projet porté par la Creuse a été poussé jusqu’à la création d’une Licence Domotique qui a ouvert ses portes à la rentrée 2008.

L’aménagement de l’habitat pour favoriser la qualité de vie des personnes âgées ou en perte d’autonomie doit nécessairement passer par sa mise en accessibilité normative (selon les décrets de la loi du 11 février 2005) mais surtout effective : élargissement des portes donnant sur l’extérieur, des portes intérieures, suppression des obstacles (seuils, marches, ressauts), suppression de murs, cloisons et placards, modification de l’aménagement et de l’équipement des pièces d’eau (cuisine, WC, bains), amélioration des revêtements de sol, installation de mains courantes, barres d’appui, poignées de rappel de portes, modification des systèmes de commande des installations électriques, changement des volets et fenêtres …

Informatique adaptée & lien social

Après la sortie en France il y a quelques années des premiers « ordinateurs simplifiés » de type PC, il a fallu attendre 2007 pour voir apparaître sur le marché des ordinateurs nouvelle génération, complètement repensés pour répondre aux besoins effectifs des personnes en perte d’autonomie. Il s’agit en fait de systèmes à écrans tactiles, sans claviers ni souris, mettant bien sûr à disposition tout le potentiel d’Internet. L’un de ces dispositifs, Maggy, a d’ailleurs remporté le prestigieux Concours l’Epine en 2008. Aujourd’hui, la technologie permet par exemple de rendre l’informatique accessible à des personnes atteintes de la maladie de Parkinson, moyennant un encadrement adapté.

L’informatique tend à favoriser la communication avec le monde extérieur en général, et les liens intergénérationnels en particulier. Des plateformes web de partage d’albums photos familiaux comme Via Familia ont ainsi fait leur apparition en 2007. La visioconférence n’est pas en reste et devient possible pour les personnes âgées grâce à une amélioration significative de l’ergonomie et de la qualité des systèmes informatiques. De premiers industriels français comme Technosens proposent actuellement ce service via le bon vieux poste de télévision.

Stimulation cognitive & aides mémoire

L’année 2006 a été marquée par l’apparition de nouveaux logiciels et dispositifs dédiés à prévenir ou au moins ralentir le déclin cognitif lié au vieillissement, et en particulier à lutter contre les démences et la maladie d’Alzheimer. Des logiciels professionnels comme Mindfit, issus de la R&D de médecins réputés, sont de plus en plus utilisés au sein de structures comme les centres mémoire.

Soulignons également la sortie par Nintendo :

  • en 2007 de « jeux mémoire » sur sa console portable DS, qui connaissent un fort succès commercial.
  • en 2008 de sa nouvelle console WII, dont l’interactivité a séduit le monde entier et pratiquement toutes les générations (un grand groupe de maisons de retraite français a d’ailleurs signé un partenariat avec Nintendo pour déployer la WII dans tous ses établissements)

La plupart des personnes âgées ne peuvent mémoriser à temps tout ce qu’elles ont à accomplir dans la journée. Il ne s’agit pas toujours d’Alzheimer débutant, mais bien souvent d’un banal effet du vieillissement. Un matériel, simple, remplissant la fonction de prévenir au jour et à l’heure voulue la personne de ce qu’elle a alors à faire par un message préalablement enregistré peut être une aide technologique précieuse et un soulagement pour la familles et les aidants en général.

Une personne à mémoire déficiente sera essentiellement avertie d’une action qu’elle doit entreprendre par la voix, voire par un dispositif type sms pour certaines solutions comme l’E-rappel, de l’industriel E-medicis. Un agenda ou une liste des choses à faire sont inutiles car non consultés au moment où il le faut, oubliés, égarés. Une consigne à action différée est tout aussi inutile, car aussitôt oubliée. La consigne doit nécessairement être à effet immédiat.
Différents types d’aides mémoire existent aujourd’hui, en particulier au niveau de l’observance médicamenteuse pour les personnes âgées atteintes de maladies chroniques. Il s’agit de piluliers automatiques, sonnant à heures préprogrammables pour rappeler la prise de médicaments et pouvant, selon le modèle, être utilisés en institution ou à domicile.

Par ailleurs, un dispositif d’aide mémoire vocal nommé MEM-X a été lancé avec succès sur le marché français au début de l’année 2008. La particularité de cet appareil réside dans l’entente d’un message énoncé par une voix familière à l’utilisateur, ce qui favorise la réussite du rappel de tâche. L’aidé est en possession d’un boîtier nu : l’unique bouton lui permet l’écoute du message quand l’appareil sonne. Il doit tout de même être secondé par un aidant, naturel ou professionnel. Il s’agit pour l’aidant d’enregistrer à l’avance des messages à dates et heures programmées (à l’aide du clavier caché au dos de l’appareil derrière un clapet pivotant), à l’occasion de vos visites par exemple. MEM-X rassure la famille mais aussi la personne âgée elle-même, à domicile en particulier, sur le respect de ses obligations quotidiennes (rappel de rendez-vous, etc.). Peuvent être ainsi préenregistrés :

  • Des messages quotidiens qui se répéteront tous les jours à la même heure pendant un temps déterminé : quinze jours, un mois, trois mois, … (ex : maman il est temps de prendre tes comprimés bleus qui sont sur la table de nuit maintenant).
  • Des messages ponctuels qui s’effaceront au fur et à mesure de leur passage (ex : papa il faut que tu commandes un taxi tout de suite parce que tu as rendez-vous chez le coiffeur dans une demi-heure)
  • Des messages hebdomadaires, pour chaque jour de la semaine, ils ne s’effaceront que volontairement. (ex : bonjour ! On est aujourd’hui mardi. C’est le jour où ton kiné vient. Je te rappellerai tout à l’heure pour que tu te prépares.)

Cette gérontechnologie a été testée par Médialis auprès d’un échantillon de personnes âgées vivant à domicile. La sélection des utilisateurs a été réalisée à l’aide du personnel médical de l’hôpital Charles Foix (AP-HP), et du Professeur Piette tout particulièrement.

Géolocalisation

La géolocalisation est un domaine des gérontechnologies en pleine effervescence. Le Columba, technologie canadienne distribuée par Orange, a été en 2006 le premier dispositif de géolocalisation au service des personnes Alzheimer et de leurs aidants vendus en France. Il a cependant été retiré du marché français début 2009, en attendant une nouvelle version plus adaptée aux spécificités de ce marché.

D’autres dispositifs néanmoins, se présentant sous la forme de bracelets plus ou moins ergonomiques sont apparus sur le marché depuis, ainsi que des systèmes de médaillons s’appuyant sur des plateformes Internet. L’industriel Vivago a réussi à intégrer ce type de dispositif au sein d’une vraie montre, en plus d’une mesure actimétrique, pouvant intéresser les professionnels de santé en long séjour. Enfin, des industriels de référence comme SIEMENS ont sorti en 2008 des solutions de géolocalisation au service des institutions médico-sociales de nouvelle génération, basées sur le RFID  (permettant à la fois la prévention des errances et d’éviter les vols d’appareils).

Télémédecine

De nouveaux types de systèmes de télémédecine dédiés aux personnes âgées font actuellement leur apparition en Europe, en partenariat avec des sociétés de services médicaux à domicile. Les personnes âgées, atteintes en particulier de maladies chroniques comme le diabète, ont chez elles divers petits dispositifs médicaux de suivi, dont les données sont transférées à un serveur du centre médical, depuis un ordinateur personnel, via une liaison sécurisée à haut-débit. Le médecin peut dialoguer avec son « patient » par vidéoconférence, passant parfois par le canal de la télévision, et mesurer à distance divers paramètres comme la pression artérielle ou le pouls, les manipulations pouvant être effectuées par des proches. Des industriels français tels que Isidor mènent d’ailleurs actuellement des recherches et développement afin de transformer leurs matériels (un ordinateur tactile adapté aux seniors en l’occurrence) en véritable plateforme de suivi de la santé des personnes âgées à domicile, en offrant la possibilité de s’interconnecter à ces divers dispositifs médicaux portables (tensiomètres, balances, etc.).

Perspectives

Espérons maintenant que les apports pouvant résulter du déploiement des gérontechnologies et de la domotique en particulier, récemment mis en avant dans plusieurs travaux, tels que le Rapport ANR / CNSA de 2007, ou le Plan Alzheimer 2008-2012 qui insiste sur la nécessité « d’aménager les lieux de vie afin de favoriser l’autonomie et de prévenir les accidents », seront de plus en plus valorisés. De plus en plus de manifestations du secteur médico-social ont l’avantage de permettre à des professionnels aux compétences complémentaires d’échanger sur leurs expériences au quotidien, ce qui est nécessaire pour favoriser le déploiement des gérontechnologies. Que vous soyez médecins, ergothérapeutes, infirmier(e)s ou aide-soignant(e)s, pharmaciens ou assistantes sociales, responsables de CLIC ou de réseau gérontologique, vous représentez en tant que principaux bénéficiaires de ces dispositifs, autant d’acteurs pouvant contribuer à leur succès.

3. Architecture, innovations technologiques et personnes âgées

Maintien à domicile et institutionnalisation

Contrairement à l’Amérique du Nord où les personnes âgées les plus favorisées développent un ordre basé sur la ségrégation générationnelle, à l’image de Sun City en Arizona ou de nombreuses villes et bourgs dans l’état ensoleillé de la Floride, l’Europe reste attachée à sa mixité sociale, familiale et générationnelle, et la prise en charge des personnes âgées se fait dans cette optique. Le besoin de prise en charge dans nos sociétés répond avant tout aux situations de handicap physique ou psychique, accentuant la dépendance de la personne âgée à un point tel qu’il n’est plus possible d’envisager une vie en toute autonomie, dans son logement. Si les sociétés traditionnelles résolvaient ce problème par une prise en charge familiale, l’évolution de la cellule familiale a fait apparaître un besoin de prise en charge sociétal, et la responsabilité des personnes âgées dépendantes incombe désormais à la collectivité. Cette situation répond de même à un sentiment de solitude et d’isolement accru, au point que près d’un tiers des admissions en maison de retraite étaient encore, il y a quelques années, motivées par un sentiment de solitude de la personne âgée. Alors que les premiers hospices et maisons de retraite s’adressaient à des personnes seules et pauvres, la dépendance est maintenant inscrite au registre des grandes causes sociales, et cela dans une approche sous trois dimensions complémentaires : les aides au maintien à domicile, la création d’un habitat adapté et la prise en charge en institution. Dans cette optique, et gardant en mémoire les avancées sociales et technologiques orientant l’évolution du schéma de prise en charge, il importe de nos jours de nous inspirer d’expériences réussies, et de se libérer d’une lecture strictement normative pour la conception de l’habitat au service de l’autonomie.

Société de services et architecture des services

Au vu de l’évolution de notre société industrialisée en une véritable « société de services », la conception des résidences de personnes âgées dépendantes se transforme pour englober un éventail de services rendus à la personne, à commencer par lui procurer un logement adapté.

En effet, il est désormais question de véritable logement, intégrant une salle de bain et une kitchenette, pouvant être privatisé et fermé à clefs, et qu’il est possible d’aménager en personnalisant son mobilier. Si la réglementation considère les chambres en maison de retraite comme domaine privatif organisé autour de services communs, les usages et les normes de conception doivent encore être revus notamment pour adapter à la hausse la surface minimale des logements, toujours inférieure à la moyenne des logements dans les pays nordiques. Cette notion de service transcende et constitue une philosophie de la conception architecturale des établissements d’accueil.

L’architecture d’aujourd’hui, libérée de ses codes du siècle dernier, doit permettre d’assurer un service complexe, d’autonomie, de confort, de relation sociale et d’intergénérationnalité, mais également de confort thermique et sensible, d’apaisement psychologique et de soutien global à la prise en charge de la dépendance rendue en institution spécialisée.

Le service à l’autonomie : une liberté préservée

L’architecture des programmes d’accueil ne relève plus strictement d’un aménagement physique, mais est constituée d’un ensemble de services architecturaux et programmatiques : la notion de service architectural à l’autonomie des personnes répond donc à des critères de conception au-delà de la maîtrise technique, afin d’offrir un cadre global libéré de tout handicap et de tout obstacle, cela bien au-delà de la stricte « accessibilité physique » d’un lieu.

L’autonomie répond alors à un ensemble de critères, permettant, facilitant et encourageant l’indépendance des personnes, mais également les assistant dans l’exploitation optimale de leur potentiel physique au travers de la conception réfléchie des équipements, des circulations assistées et protégées, des sanitaires adaptés et dont l’accessibilité normative est renforcée de dispositifs adéquats (barres de maintien ergonomiques supplémentaires, renforcement du dispositif de maintien de part et d’autres de l’évier, etc.). Ces mesures permettant de sécuriser les personnes en perte de contrôle physique mais pas encore dépendante, et de maintenir l’autonomie le plus longtemps possible.

L’autonomie rime également avec intimité et indépendance, et le service apporté par une analyse et une conception soignée du cadre de vie, du logement constituant la base même de l’intimité offerte, passe par une conception des espaces permettant le choix du degré des relations sociales et le degré d’implication de chaque personne dans l’institution (espaces semi privatifs, espaces communs de proximité, espaces communs principaux, aménagement de percées et de transparences permettant de participer par le seul contact visuel à la vie de la communauté, etc.).

Le service de confort thermique : vers un développement durable

Pareillement, la notion de « bien-traitance architecturale » dénote d’un service de confort rendu, thermique et sanitaire, où l’usage de l’éclairage et de l’ensoleillement est maîtrisé, et contribue pleinement à l’identité même du projet d’accueil. Les 15 000 décès prématurés de l’été 2003 ont montré l’impact de la conception architecturale sur la santé publique et l’importance de la prise en compte de cahiers des charges exigeants et innovants, qui tendent vers une architecture durable, mieux adaptée sur le plan énergétique et climatique (dans le cadre de démarches de Haute Qualité Environnementale).

La notion du service de confort thermique et sanitaire tient compte autant de la conception spatiale de l’architecture, et l’introduction de la lumière naturelle et l’ensoleillement dans les espaces de circulation qui deviennent de véritables lieux de vie et de rencontre, les logements et les espaces d’activités, que de la prise en compte d’un éventail de mesures thermiques et de climatisation, par la conception d’espaces ventilés naturellement et d’espaces climatisés mécaniquement à des températures différentes. La prise en compte d’un volet environnemental complet, inscrivant les réalisations architecturales dans une démarche de conception durable et respectueuse de l’environnement, contribue par plusieurs points à l’amélioration du confort thermique et d’usage de la structure, au-delà des avantages économiques et écologiques.
Ainsi, l’isolation thermique, l’orientation et l’ensoleillement, le rapport au site et l’implantation des espaces, le traitement végétal et la relation aux jardins, les matériaux, etc. constituent autant d’aspects de traitement innovants et de confort dans la définition d’une conception architecturale adaptée.

Service évolutif adapté et gérontechnologie

Pour une prise en charge optimale des personnes âgées, que le lieu de vie soit un appartement aménagé pour le maintien à domicile jusqu’à un logement privatif en résidence collective, la dimension évolutive est essentielle pour accompagner la personne âgée tout au long de son parcours.
Des options de cahiers des charges applicables à des scénarii d’évolution de la dépendance et de la perte d’autonomie, offrent la possibilité de garder le résident dans son cadre personnel, et de ne pas déraciner la personne âgée à des moments de son parcours où la perte progressive d’autonomie et le gain en dépendance la rend vulnérable.

La domotique agissant sur le cadre du maintien à domicile au même titre que la gérontechnologie de service à la personne sur le cadre de l’établissement spécialisé, permet d’envisager la relation de la personne avec son environnement architectural, avec l’équipe soignante et avec l’ensemble des résidents, de manière à apporter une constance nécessaire, et un repère de grande valeur. Ce service évolutif de maintien de la personne âgée en gain de dépendance dans son contexte initial, apporte un confort inestimable, et contribue au changement d’attitude radicale vis-à-vis des soins et services offerts en institution. La conception architecturale se doit de relever pleinement le défi de la domotique, afin de contribuer à son acceptation, et d’accélérer la mise en situation de ses différents scénarii, en s’appuyant notamment sur Médialis (www.medialis.info), premier bureau d’études français expert de l’autonomie. Il lui sera ainsi possible d’intégrer la domotique au même titre que les points de raisonnement environnementaux (HQE) dans les processus de conception et de programmation.

Projet de vie, lien social et intergénérationnalité

La conception architecturale articule désormais les programmes des résidences d’accueil médico-sociales autour de greffes programmatiques, conjuguant une mise en relation avec l’entourage sociétal. Ainsi, rues commerçantes ouvertes et ancrées dans le tissu urbain, centres médicaux en accès libre, cafés et bars en fonctionnement partagé, salles de fêtes et activités diverses mutualisées permettent une grande ouverture des projets vers la société dans son ensemble, et avec toutes ses composantes générationnelles. La notion de service rendu et partagé prend ainsi tout son sens, et les établissements d’accueil de personnes âgées dépendantes deviennent de véritables lieux de vie, où certaines fonctions sont mises en commun, ancrées dans le tissu de la « microsociété » d’implantation : leur quartier d’accueil.

Les projets de vie se doivent d’intégrer désormais une dimension intergénérationnelle franche, correspondant à notre modèle sociétal de prise en charge, ou ce modèle d’attaches familiales repensées au vu de la notion globale d’architecture du service rendu : le service à l’autonomie préservée, le service de confort sensible et le service évolutif adapté entre autres notions de « bien-traitance architecturales ».
Le temps de la relève architecturale a sonné, et avec lui celui d’une transition d’un modèle architectural modulant l’habitabilité en fonction d’une image de l’homme modulaire, vers un modèle nourri de l’habitabilité au plus près des besoins des plus fragiles, et préservant ce que la vie à l’aube de son 4° volet garde de plus cher : l’autonomie, et le respect des valeurs humaines.

L’architecture évolutive, celle de la conception sensible et intelligente, intégrant des outils de bon sens architectural (orientation, éclairage, ventilation, etc.), comme des outils complémentaires technologiques, encourageant et prolongeant l’autonomie, correspond à l’ultime offre architecturale en définition, et ce dans le domaine médico-social.
Aux architectes de nourrir ce manifeste, et à défaut d’encadrement réglementaire adéquat, et d’une évolution des modalités de passation des marchés basés sur des critères innovants, de s’organiser pour jouer pleinement leur rôle historique d’avant-garde, et en avant poste des évolutions sociales.

4. Les aides à la décision dans le choix des matériels innovants

Préalable

Avant de parler d’aide à la décision, il faut parler des personnes à qui s’adresse cette technologie innovante c’est-à-dire les personnes âgées en situation de dépendance bien sûr, mais aussi les soignants et l’entourage familial ou proche, sachant que les besoins de ces différentes catégories de personnes sont parfois contradictoires. Il s’agit donc, avant tout, de définir les priorités.

Beaucoup de ces technologies au service des personnes âgées sont tout aussi pertinentes pour des personnes en situation de handicap. Réciproquement, de plus en plus de personnes handicapées sont vieillissantes, grâce aux progrès de la médecine notamment. Par conséquent ces technologies sont destinées à la compensation de la perte d’autonomie plus qu’à une population ciblée de personnes âgées.

D’autre part, il est très important que ces technologies visent à assister le couple aidant/aidé et non la personne dépendante exclusivement. Elles ont pour objectif de permettre l’amélioration de l’organisation des soins dans une perspective où la technologie n’est pas là pour remplacer des personnes humaines, que ce soit à domicile ou en institution, à côté de la personne âgée, mais pour compléter, améliorer la qualité ou éventuellement supprimer les tâches répétitives et secondaires. Ceci pour vous permettre à vous soignants, « ressource rare », de vous refocaliser sur les activités vraiment importantes, le soin relationnel en particulier.

Le souci de classification

Pour en venir à la notion d’aide à la décision, il s’avère nécessaire d’avoir une connaissance relativement exhaustive au moins des familles de technologies qui peuvent répondre aux besoins de ces personnes en situation de dépendance. Il faut savoir aussi que ces technologies répondent à des finalités et à des contextes d’utilisation différents. Lorsque l’on aborde ce processus de décision il faut donc commencer par se demander si le produit vise à soutenir les personnes à domicile, à améliorer la vie en institution ou à sécuriser les déplacements. Cela est très important dans le cadre du développement des accueils de jour par exemple, car il faut bien reconnaître que cette solution, quoique onéreuse, est pertinente pour les familles et les personnes souffrant d’Alzheimer en particulier.

Il existe beaucoup de technologies de communication (l’informatique adaptée, la mobilité, avec les téléphones portables ayant moins de boutons, la visioconférence) et dédiées à la santé (la téléassistance, la télémédecine). Mais il y a également le domaine de la sécurité avec la domotique, le débat autour des géolocalisateurs, et puis les préventions d’accidents domestiques, valables aussi bien en établissement qu’à domicile. Enfin, il y a le domaine du confort et du loisir avec l’ergothérapie au sens large et la domotique de confort.

Une autre classification est possible. Celle-ci s’appuie sur 4 domaines distincts : habitat, communication et lien social, santé et bien-être, mobilité et transport. Dans tous les cas, il faut que les technologies diffusées soient suffisamment mûres, car si l’on conseille des technologies qui ne sont pas solides, ou dont le service associé ne répond pas à un besoin réel, la personne âgée va vite se lasser et laisser tomber. Il faut donc qu’elles aient un coût raisonnable, et enfin que les personnes l’acceptent.

L’évaluation

Pour soutenir toute démarche d’aide à la décision, il faut que toutes ces nouvelles technologies soient évaluées de la manière la plus scientifique et la plus neutre possible par rapport aux industriels. On parle beaucoup du process de conception et du technopush. On souhaite de plus en plus être dans une conception centrée sur les utilisateurs où la personne âgée est impliquée dès les premiers stades de développement d’un nouveau produit/service.
Les secteurs du médicament et des dispositifs médicaux sont nettement plus en avance sur le plan des modalités d’évaluation et, notamment, des tests cliniques. La gérontechnologie, elle, n’en est qu’aux prémices : il n’y a pas de cadre réglementaire. Ce qui nous intéresse est moins le marquage CE que les critères d’évaluations suivants :

  • évaluation du service rendu
  • évaluation de l’acceptabilité : la personne âgée acceptera-t-elle de porter le médaillon, le bracelet ou qu’on mette dans son lieu de vie tel ou tel appareil
  • évaluation de l’utilisabilité : la personne arrivera-t-elle à s’en servir et combien de temps cela lui prendra-t-il ? Le temps de formation justifiera-t-il le fait qu’on le déploie ?
  • évaluation de l’efficacité.

Obstacles et solutions

Le développement de ces technologies rencontre beaucoup d’obstacles en France. Il y a tout d’abord le coût, mais aussi le fait que, sur ce marché, nombre de Start-up rencontrent de sérieux problèmes de financement, voire de normalisation. Au sein de Médialis, nous abordons donc de diverses façons cette question de l’aide à la décision au travers de formations et de salons comme « Géront-expo », avec des vitrines de technologies.

Nous avons en outre développé, en partenariat avec le pôle de référence de l’APHP (basé à l’Hôpital Charles Foix, sous la direction du Professeur Piette), une offre d’évaluation sous la forme d’une plateforme mettant à disposition des industriels et des collectivités qui s’intéressent à tel ou tel appareil, des cohortes de personnes âgées avec un protocole d’évaluation scientifique qui permet d’obtenir des préconisations expliquant que l’appareil est pertinent pour cette catégorie d’usagers.
Enfin, nous réalisons également de l’assistance à maîtrise d’ouvrage, du conseil, et, pour les institutions, fédérations ou certains organismes, de l’accompagnement à l’équipement en nouvelles technologies. Pour cela, nous disposons d’une équipe constituée à la fois de chercheurs et d’experts, de professionnels de santé, d’ergonomes, d’ingénieurs domoticiens et travaillons en partenariat avec des architectes spécialisés. Dans chaque mission, nous prenons en compte les différentes contraintes : contraintes de la vie quotidienne, contraintes liées aux pathologies (dispositifs spécifiques Alzheimer, parkinson, sclérose en plaque), voire des dispositifs pertinents dans le cadre d’une polypathologie, tenant compte de la situation globale de la personne, de son environnement, des contraintes liées à l’activité du personnel ou au cycle de vie (qualité du sommeil, etc.). L’interopérabilité est également une donnée importante. Pour être pertinents, dans une préconisation d’aide technologique, il faut être sûr que, par rapport à un domicile où il y a déjà de la domotique installée ou un établissement où il y a déjà un système d’information, ce qu’on va conseiller sera compatible et qu’on ne va pas devoir demander au directeur de l’établissement de refinancer tout son système pour parvenir à installer de nouveaux dispositifs.

Certains EHPAD ont adopté une démarche intéressante qui consiste à proposer aux familles ou à la personne âgée elle-même, si possible, de signer un document (avenant à la charte d’accueil) leur proposant d’entrer dans une démarche de découverte des technologies, soit pour sécuriser d’éventuelles errances (en cas de troubles cognitifs), soit pour améliorer son confort et sa qualité de vie.

5. Le rôle de l’aidant dans l’achat de produits technologiques

Les aidants

Plus une personne avance en âge, et plus sa réticence est grande à l’idée d’intégrer de nouveaux comportements. Le phénomène se trouve renforcé par l’arrivée de pathologies fragilisant la personne aidée, telles qu’Alzheimer ou Parkinson. Avec l’âge et la maladie croît ainsi le besoin d’assistance tandis que diminue la capacité à se l’approprier. Ce hiatus sans cesse croissant nécessite, pour être comblé, la présence de tierces personnes jouant le rôle de facilitateurs à chaque étape du processus d’achat des gérontechnologies : les aidants.

Le processus d’achat de technologies pour l’autonomie peut être divisé en cinq étapes principales pour lesquelles le rôle de l’aidant pour être constant et indispensable n’en est pas moins différent : La découverte, la compréhension, l’évaluation, le financement, l’appropriation.

La découverte

Certes, il existe toutes sortes de magazines qui permettent à des personnes âgées de découvrir un nouvel outil, une nouvelle technologie, mais bien souvent les gérontechnologies sont développées par des PME dont les budgets sont plus orientés vers la recherche et le développement de nouveaux produits que vers la communication. L’information est donc à rechercher, elle ne vient pas spontanément s’offrir à ceux qui en ont le plus besoin.

Internet est alors une source précieuse d’information avec des sites tels que www.silvereco.fr qui offrent une information gratuite, ce que font également des sites marchands tels que Bastide ou Senior Boutique. Toutefois les personnes âgées ont rarement accès à Internet. C’est donc bien les aidants qui doivent rechercher dans cette source abondante l’information nécessaire à la personne aidée. Les associations de santé, les équipes de CLIC, en particulier les ergothérapeutes, ou encore les organismes tels que la CNSA seront de précieux soutiens dans cette démarche.

La compréhension

Trouver une nouvelle technologie n’est pas tout, encore faut-il appréhender son fonctionnement, comprendre son maniement, que ce soit à partir d’une documentation ou d’une démonstration. L’innovant est source de problème, de perturbation et bien souvent effraie. Là encore, même si la personne âgée a trouvé l’information, elle est rarement en situation de comprendre le fonctionnement d’un appareil qui ne correspond pas à son environnement habituel, et dont la documentation est rarement pensée et réalisée pour elle. L’aide de l’aidant sera alors nécessaire pour comprendre et interpréter les informations souvent fournies dans un langage inadapté à son utilisateur final, pour visiter le salon ou le point de vente où aura lieu une démonstration, pour rechercher sur internet des informations complémentaires. L’aidant devra également rassurer la personne à aider, et la conforter quant à ses craintes relatives au changement résultant d’une innovation.

L’évaluation

Une fois la gérontechnologie découverte et comprise, il reste à en évaluer la qualité et la pertinence, puis comparer le prix de l’appareil et le service rendu. En terme de qualité et de pertinence, seul un avis objectif, crédible techniquement et impartial commercialement devra être retenu, d’un laboratoire indépendant tel que celui de Médialis par exemple. En ce qui concerne l’intérêt économique, le rôle de l’aidant ne se limite pas à une comparaison : il s’agit de considérer l’ensemble des services que cette technologie rendra à tous les intervenants prenant part au déroulement de la vie de la personne aidée, qu’il s’agisse de la famille, des thérapeutes ou des aides de vie.

Si nous prenons sur ce point l’aide-mémoire vocal MEM-X pour exemple, le laboratoire de Médialis a mis au point un protocole de test réalisé avec le soutien de l’APHP qui a permis non seulement de confirmer son intérêt, mais également d’améliorer l’appareil afin de l’adapter au mieux à ses utilisateurs potentiels. Quant à l’étude économique, elle nécessite de prendre en compte aussi bien le confort et la sécurité apportés à la personne aidée, que le soulagement et la rassurance des membres de la famille, et la diminution de la charge pesant sur les aides qui doivent sans cesse s’assurer qu’une personne à la mémoire déficiente n’oubliera pas un acte important de son quotidien. La famille est en outre seule à pouvoir évaluer le coût des multiples appels téléphoniques et visites nécessaires à rassurer l’entourage d’une personne restant à domicile avec un Alzheimer débutant.

Le financement

Les gérontechnologies ne sont pas toujours très coûteuses, et de nombreuses aides peuvent êtres mises en œuvre pour aider à leur financement, mais là encore une personne âgée et à la santé chancelante peut difficilement trouver seule l’information des aides et financements disponibles, puis démêler l’écheveau des formulaires, démarches et autres lourdeurs administratives. Différentes solutions sont alors possibles dont le recours aux Coderpa qui fédèrent de nombreuses compétences au sein des conseils généraux, et aux associations spécialisées dans l’aide aux personnes âgées ou à celles atteintes de telle ou telle pathologie.

L’appropriation

Là encore il ne faut pas se leurrer ; il ne suffit pas de fournir à une personne âgée une nouvelle technologie dont l’intérêt nous parait d’une évidente clarté, et dont le fonctionnement « clé en main » nous assure qu’elle sera facilement appréhendée selon nous, pour que la personne concernée se l’approprie immédiatement en se demandant pourquoi elle ne l’avait pas utilisée plus tôt. Combien de fois avons-nous retrouvé dans sa boîte au fond d’un placard quelques mois plus tard, ce merveilleux téléphone mobile offert à nos parents, et dont le répertoire illustré nous paraissait devoir répondre à leur souhait de simplicité d’utilisation ?

Le rôle de l’aidant à ce stade est de s’assurer au quotidien que la gérontechnologie est bel et bien utilisée, en vérifiant que les avantages entrevus pendant la phase d’évaluation sont bien compris et utilisés par la personne aidée, et qu’aucun inconvénient imprévu ne vienne entraver son utilisation.

Les aidants, qu’ils soient familiers ou institutionnels, sont ainsi un élément essentiel de l’achat de gérontechnologie depuis sa découverte jusqu’à son appropriation finale. Ils doivent avoir de multiples « compétences » et avancer pas à pas sur les quatre étapes détaillées ci-dessus. En appliquant ici la théorie de Maslow, on peut considérer qu’il existe une sorte de hiérarchie des besoins telle que le consommateur passe à un besoin d’ordre supérieur quand, et seulement quand, le besoin de niveau immédiatement inférieur est satisfait. Il est donc inopportun de tenter de satisfaire le « dernier étage de la pyramide » si les autres niveaux n’ont pas été complétés.

Chacun à son tour peut-être aidant et aidé, il convient de ne pas l’oublier pour se mettre à la place de l’aidé et anticiper son incompréhension, son rejet, et parfois même ses craintes.


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Cet article a été publié par la Rédaction le


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