[Replay] Prévenir plutôt que subir : l’IA, nouvelle alliée de la téléassistance

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : TÉLÉASSISTANCE

Partager cet article

Aujourd’hui, plus de 750 000 personnes en France bénéficient d’un service de téléassistance, un chiffre en augmentation constante. Symbole d’un besoin croissant de sécurité au domicile, il traduit aussi la volonté des Français de vieillir chez eux. Mais un tournant majeur s’opère : la téléassistance n’est plus seulement réactive ; elle devient préventive, portée par les promesses de l’intelligence artificielle.

[Replay] Prévenir plutôt que subir : l’IA, nouvelle alliée de la téléassistance

Lors du Festival SilverEco 2025, la table ronde « Prévenir plutôt que subir : l’IA, alliée de la téléassistance », soutenue par Tunstall Vitaris, leader français du secteur avec 250 000 bénéficiaires, a réuni industriels, professionnels du domicile, experts du soin et aidants familiaux. Ensemble, ils ont échangé sur l’évolution des usages, les freins culturels et techniques, et les conditions nécessaires pour que l’IA reste un outil au service de l’humain.

De la téléassistance réactive à prédictive : un changement de paradigme

Pour Alain Monteux, président de Tunstall Vitaris, la téléassistance, connue depuis des décennies via son emblématique « petit bouton rouge », entre dans une nouvelle ère : « Toute la question est de passer d’une logique réactive à une logique préventive. »

Grâce à de nouveaux capteurs et à l’IA embarquée localement, un point clé pour rassurer les utilisateurs, il devient possible d’analyser finement les habitudes de vie : sommeil, mobilité, nutrition, activité par pièce, sorties du domicile… L’objectif : détecter les signaux faibles qui précèdent les incidents.

Un tiroir à couverts qui ne s’ouvre plus, une sortie quotidienne supprimée, un lever de plus en plus tardif, un journal qui n’est plus consulté : autant de micro-indices qui constituent, mis bout à bout, des alertes pour les équipes de soins.

Cette dimension n’est jamais envisagée sans professionnels, insiste Monteux. Les données collectées sont transmises à des ergothérapeutes ou infirmiers qui, eux seuls, contactent la famille ou interviennent.
Une manière d’éviter, souligne-t-il, de « créer de la charge mentale supplémentaire » pour les aidants.

Prévenir plutôt que subir : l’IA, nouvelle alliée de la téléassistance – Le Replay

IA et services à domicile : une transformation encore incomplète

À la tête de Feadom, service d’aide à domicile implanté dans les Alpes-Maritimes, Maxence Hotte voit dans l’IA une manière de « faire un peu plus, un peu plus tôt et un peu mieux ».

Aujourd’hui, les usages demeurent surtout organisationnels : synthèse automatisée des comptes rendus téléphoniques, assistance à la planification, aide au remplacement en cas d’absence. Des outils « qui allègent la charge mentale » des coordinateurs.

Pour autant, les bénéfices restent limités par un obstacle majeur : l’interopérabilité.

« Chaque acteur utilise un logiciel différent. Le résultat, c’est qu’une hospitalisation peut être connue de l’un mais pas de l’autre. »

Otten identifie trois freins principaux à l’intégration plus profonde de l’IA :

  1. La peur, à la fois des familles, des bénéficiaires et même des intervenants.
  2. Le manque d’interconnexion des systèmes.
  3. La culture française de la réaction plutôt que de la prévention.

Il rappelle que l’enjeu n’est pas seulement humain, mais aussi économique : « Une année d’espérance de vie gagnée, c’est un milliard d’euros économisé. »

Sur le terrain : « nous intervenons trop tard »

Ergothérapeute et fondateur de l’entreprise sociale Merci Julie, Mickaël Briquet dresse un constat sans détour : « Nous intervenons trop tard. »

La moyenne d’âge des personnes chez lesquelles il intervient dépasse 80 ans, souvent après une chute ou une hospitalisation. La prévention primaire est déjà hors de portée, tant les habitudes sont installées.

Il rappelle que plus de 95 % des installations de téléassistance interviennent après un problème, et que la France se distingue par une quasi-absence de financement pour des accompagnements de réadaptation au long cours, contrairement à d’autres pays européens.

Mais Briquet voit dans l’IA une opportunité : celle de repérer plus tôt les changements d’habitude, à condition qu’un accompagnement humain suive, pour comprendre, réadapter et agir. Et de rappeler un paradoxe : « Une montre connectée offerte à Noël est bien acceptée ; une téléassistance murale beaucoup moins. La motivation n’est pas la même. »

Entre plaisir (activité, sport, autonomie) et peur (chute, isolement), l’enjeu est aussi culturel : comment faire de la prévention un acte désirable ?

L’expérience d’une aidante : confiance, simplicité et humanité

Le témoignage de Frédérique Aribaud, aidante de ses deux parents nonagénaires, a profondément marqué la table ronde.

Elle fait partie des « 50 % » de familles qui installent la téléassistance avant un problème. Sa mère, ancienne infirmière, a adopté l’appareil au quotidien, qu’elle appelle affectueusement son « GPS ». Son père, en revanche, prenait soin de charger son médaillon… sans jamais le porter.

Ce témoignage met en lumière plusieurs réalités :

  • la géolocalisation limitée à un département, qui n’a pas permis de détecter une chute survenue dans la maison de campagne ;
  • la nécessité d’une prise en charge globale, mobilisant téléassistance, services à domicile, adaptation du logement ;
  • la valeur d’un outil pensé d’abord pour rassurer les proches.

Frédérique Aribaud formule trois conditions indispensables pour que l’IA soit acceptée :

  1. Ne pas submerger l’aidant de données :
    « Les dashboards, c’est joli, mais je n’ai pas le temps de les analyser. »
  2. Préserver l’humanité du lien familial :
    « Chaque visite peut être la dernière. Ce temps ne doit pas servir à commenter des courbes. »
  3. Limiter la diffusion des données de santé :
    « Je préfère qu’elles restent chez le partenaire que j’ai choisi. »

Elle propose un mécanisme de type procuration : les parents donnent leur accord, mais sans entrer dans le détail technique, pour éviter la peur d’un « big brother à domicile ».

« Téléassistance n’est pas téléassisté »

Pour conclure, Alain Monteux retient deux messages essentiels du témoignage :

  • la nécessité de traduire la donnée en action, grâce à des professionnels ;
  • la réflexion sur un nouveau vocabulaire.

Le mot « téléassistance », comme « maintien à domicile », porte une charge stigmatisante. Pour Monteux, l’enjeu est d’en faire un outil d’autonomie, et non un symbole de dépendance.

Téléassistance : Un futur collectif à construire

Tous les intervenants convergent : la prévention ne pourra réellement progresser que par une action collective, réunissant industriels, soignants, services à domicile, pouvoirs publics et familles.

L’IA permet désormais de détecter l’invisible, d’anticiper les fragilités, d’éviter les chutes et de préserver l’autonomie. Mais pour transformer la promesse en réalité, la technologie devra rester :

  • explicable,
  • interconnectée,
  • financée,
  • et profondément humaine.

Une ambition qui n’est pas technologique, mais sociétale.


Partager cet article

Cet article a été publié par la Rédaction le

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *