[Replay] Silver habitat : technologies, acceptabilité sociale et maintien à domicile

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À l’occasion du Festival SilverEco 2025, une table ronde consacrée au Silver Habitat a réuni chercheurs, industriels et start-up autour d’une question centrale : comment concevoir un habitat capable de favoriser le maintien à domicile des seniors, sans négliger l’acceptabilité sociale des technologies ? Une rencontre dense, riche en retours d’expérience et en perspectives d’innovation, portée par la Chaire « UX – User Experiences for Smart Life Home and Mobility » de l’Université Côte d’Azur.

[Replay] Silver habitat : technologies, acceptabilité sociale et maintien à domicile

Maintien à domicile : Placer l’utilisateur au centre

Dès l’ouverture, Roberta Pennucci, coordinatrice de la Chaire UX (IMREDD), rappelle l’ambition du consortium : réunir chercheurs, médecins, entrepreneurs, architectes ou sociologues pour imaginer « l’habitat de demain ».

Pour Teresa Colombi, UX designer et psychologue cognitive, la clé est limpide : éviter le techno-push et partir du réel. L’UX consiste à concevoir des solutions « autour des problématiques des usagers », en prenant en compte leurs capacités physiques, cognitives, sociales ou culturelles. Une bonne interface homme-machine, dit-elle, « c’est comme une blague : si on doit l’expliquer, c’est qu’elle n’est pas bonne ».

Son objectif : créer des systèmes qu’on « oublie », tant ils accompagnent intuitivement l’utilisateur. Pour cela, elle passe par l’immersion terrain, que ce soit en EHPAD, en milieu hospitalier ou dans des environnements extrêmes comme des centrales nucléaires ou des sous-marins. Le Living Lab de l’IMREDD, véritable appartement instrumenté, constitue d’ailleurs un lieu majeur pour expérimenter des capteurs et mesurer objectivement les comportements des usagers.

Silver habitat : technologies, acceptabilité sociale et maintien à domicile – Le Replay

Cocoonia : une technologie non intrusive testée chez 37 seniors

James Nicolai, cofondateur de Nodeus Solutions, présente Cocoonia, une solution numérique destinée à la prévention de la perte d’autonomie. Le dispositif repose sur une box équipée de capteurs discrets : détection de mouvement, présence, ouverture du frigo, capteur de pression sur lit ou canapé. Aucun micro, aucune caméra, aucun objet porté, insiste-t-il.

Une expérimentation de deux ans a été menée auprès de 37 seniors de 60 à 98 ans, vivant seuls à domicile ou en résidence autonomie. L’étude sociologique d’acceptabilité, conduite avec l’Université Côte d’Azur, montre que :

  • 67 % des personnes seraient prêtes à louer et utiliser la solution, convaincues par la non-intrusivité du système
  • 33 % demeurent réticentes, notamment par crainte d’une surveillance assimilée (à tort) à Big Brother
  • 100 % ont conservé le dispositif et se disent satisfaits, notamment grâce aux échanges humains réguliers avec les équipes de Nodeus

Pour Nicolai, l’enjeu désormais est de passer de l’expérimentation au déploiement, en trouvant un industriel ou un investisseur. Il souligne également un manque : le développement de l’application mobile et des tableaux de bord, qui doit être mené avec les aidants et les utilisateurs finaux pour rester fidèle à l’esprit de co-conception.

Les objets connectés : motivations, freins et détournements

Claire Letertre, chef de projet recherche au sein du réseau Leroy Merlin Source, apporte un éclairage sociologique approfondi sur les usages des seniors. Depuis 20 ans, Leroy Merlin Source mène des recherches en sciences humaines auprès des habitants, dont plusieurs dédiées au vieillissement et à l’adaptation du logement.

Pourquoi les seniors s’équipent-ils ?

Leurs motivations reposent sur quatre grandes logiques identifiées :

  1. La sécurité (alarmes connectées)
  2. La santé (montres, balances connectées)
  3. Les économies d’énergie (thermostats intelligents)
  4. La fonction symbolique et identitaire : rester « moderne », montrer sa capacité à suivre l’air du temps 

Des freins persistants

  • Interfaces jugées complexes ou peu ergonomiques
  • Peur des pannes et dépendance aux installateurs
  • Stress résidentiel lié aux objets peu interopérables 

Des détournements ingénieux

Les seniors s’adaptent… parfois en contournant le système :

  •  utiliser deux assiettes pour tromper une fourchette connectée
  • confier une canne connectée à un jeune pour simuler l’activité physique

Ces détournements révèlent autant une volonté de rester autonome… qu’une créativité réjouissante.

Pour lever les freins, Claire Le Tertre insiste : on ne déploie pas une technologie sans présence humaine. La confiance envers l’installateur, la transparence sur l’usage des données et une installation anticipée, bien avant la perte d’autonomie, conditionnent l’acceptabilité.

L’impression 3D alimentaire : une révolution discrète mais majeure dans le maintien à domicile

Changement de perspective avec le sociologue Vincent Meyer. Son projet ANR Deal for Hand explore un champ encore peu médiatisé : l’impression 3D alimentaire. Une technologie capable de redonner envie et capacité de manger à des personnes âgées dépendantes ou en situation de polyhandicap.

L’impression 3D alimentaire utilise des encres alimentaires, composées d’aliments classiques,  redesignées, retexturées et adaptées aux troubles de mastication ou de déglutition. Objectif : remplacer les purées et aliments mixés, souvent monotones, par des pièces comestibles ressemblant à des aliments familiers, mais adaptées aux besoins physiologiques.

Vincent Meyer décrit l’ambition du projet :

  • hyper-personnalisation de l’alimentation ;
  • ajout de nutriments selon les besoins ;
  • restauration du plaisir sensoriel ;
  • à terme, des imprimantes capables d’imprimer… et de cuire grâce à un laser .

L’équipe travaille avec l’INRA pour concevoir son propre prototype, plus performant que les appareils actuellement commercialisés. Des expérimentations sont déjà menées dans plusieurs établissements des Alpes-Maritimes pour évaluer l’acceptabilité sociale de ces pratiques alimentaires innovantes.

L’Université Côte d’Azur : moteur de l’innovation territoriale

En clôture, Benjamin Seror, directeur général de la Fondation Université Côte d’Azur, rappelle le rôle de l’institution comme catalyseur d’innovation. Classée parmi les dix meilleures universités françaises, labellisée Initiative d’excellence et dotée d’un cluster IA, elle compte 50 laboratoires, 1 600 chercheurs et 32 000 étudiants. La fondation, via le mécénat, a déjà mobilisé 7 millions d’euros pour soutenir programmes scientifiques et chaires de recherche, dont la Chaire UX.

Technologie et maintien à domicile : une équation dont la solution reste humaine

De cette table ronde émerge une conviction forte : la technologie n’a de sens que si elle s’efface derrière la relation humaine.

Capteurs non intrusifs, interfaces intuitives, design alimentaire, objets connectés acceptables… Les innovations du Silver Habitat ne seront adoptées que si elles sont co-conçues, explicites, transparentes et profondément ancrées dans la vie réelle des seniors.

Le vieillissement de la population crée des défis majeurs. Mais il ouvre aussi un champ immense d’expérimentation, où chercheurs, entreprises et usagers peuvent, ensemble,  inventer un habitat qui permet véritablement de « bien vivre chez soi, tout au long de sa vie ».


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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