Réunis au Palais des Festivals, quatre acteurs majeurs du secteur (Alix Torres (Présence Verte), Romain Ganneau(Silver Valley), Olivier Lefebvre (FédéCRT) et Alexandre Bataille (Coravia / Télégraphique)) ont dressé les contours d’une téléassistance en pleine transformation. Leur échange d’une grande densité a fait apparaître une certitude : la téléassistance de 2030 sera préventive, intégrée, invisible… mais profondément humaine.

Des usages qui changent : du “bouton d’alerte” au compagnon de prévention
Pendant près de 40 ans, la téléassistance a reposé sur un modèle simple : un bouton d’appel en cas d’urgence. Mais un changement profond est à l’œuvre.
Des seniors plus connectés… mais plus isolés
Pour Alix Torres, directrice générale de Présence Verte, l’enjeu est clair : les seniors vivent plus longtemps, en meilleure santé, mais souvent plus seuls, que ce soit géographiquement ou socialement. Dans ce contexte, dit-elle, « la téléassistance doit rester avant tout une présence humaine et rassurante ».
Présence Verte s’appuie désormais sur :
- de la prévention continue, notamment via capteurs, actimétrie et IA,
- un maillage territorial unique : 450 collaborateurs accompagnent les abonnés sur l’ensemble de la France.
La technologie n’a de sens, insiste Alix Torres, que si les équipes « transforment la donnée en attention ».
Téléassistance 2030 : de la sécurité à l’accompagnement global des seniors – Le Replay
La téléassistance : Une technologie au service de l’usage, pas l’inverse
Pour Romain Ganneau (Silver Valley), l’erreur serait de “vendre de la tech” au lieu de “vendre du service”.
Les nouveaux seniors sont familiers des outils numériques, mais refusent la stigmatisation et veulent choisir leurs solutions.
Il met en garde contre une approche infantilisante :
« Les seniors ne veulent plus être un objet de politique sociale. Ils veulent décider. »
Une montre connectée, si elle ressemble à celle de tout le monde, peut devenir un outil de sécurité sans même être identifiée comme de la téléassistance.
L’enjeu : intégrer la technologie dans les usages, la rendre presque invisible.
L’actimétrie : détecter les signaux faibles pour mieux prévenir
Pour Alexandre Bataille, président de Coravia / Télégraphique, l’actimétrie et l’analyse comportementale représentent un tournant majeur.
Ces outils permettent :
- d’observer des variations du quotidien,
- de détecter tôt des fragilités,
- d’alerter de manière bienveillante, non anxiogène.
La technologie repose sur des capteurs, en nombre limité, utilisant des algorithmes d’IA.
Mais, rappelle-t-il, contrairement à une IA générative, la téléassistance n’a pas le droit “d’inventer”, la fiabilité est non négociable.
Un virage technologique sous haute exigence : souveraineté, protection et coordination
Le deuxième axe de discussion portait sur l’intégration du numérique et sur la protection de données sensibles.
Le numérique dans la téléassistance : Un levier de prévention et de coordination
Pour Olivier Lefebvre, président de la FédéCRT, la donnée numérique permet :
- d’identifier plus finement les fragilités,
- et de coordonner les réponses entre sanitaire, social et accompagnement.
Mais une condition : que des professionnels s’en saisissent.
C’est précisément la mission des Centres de ressources territoriaux (CRT), dispositifs récents pilotés par un gériatre, conçus pour coordonner les actions et favoriser le maintien à domicile.
Souveraineté et transparence : un ADN non négociable
Pour Présence Verte, la cybersécurité n’est pas une option mais un pilier.
Alix Torres détaille une démarche exigeante :
- infrastructures souveraines,
- audits externes RGPD,
- cryptage,
- tests d’intrusion réguliers.
La transparence est selon elle la clé de la confiance, indispensable lorsqu’il s’agit de données « souvent croisées, donc de santé ».
Chez Télégraphique, même rigueur : data centers en France, audits menés par l’Agence du numérique en santé, intégration dans Mon Espace Santé.
Pour Alexandre Bataille, un principe cardinal prévaut : « La donnée appartient au patient. »
Un modèle économique sous tension : comment innover sans renchérir ?
La troisième partie a abordé le sujet sensible du financement.
Le défi : monter en gamme tout en restant accessible
En France, la téléassistance affiche le prix le plus bas d’Europe (24–26 € en moyenne).
Comment y intégrer prévention, capteurs, IA, proximité humaine ?
C’est l’équation que Présence Verte s’efforce de résoudre via son modèle d’Économie sociale et solidaire, où tous les bénéfices sont réinvestis dans le service et l’innovation.
Mais Alix Torres exprime une alerte :
- les besoins augmentent,
- les financements publics diminuent,
- les coûts augmentent.
Et malgré cela, réduire la proximité humaine serait, selon elle, une erreur stratégique.
Sortir du “cycle d’expérimentations permanentes”
Pour Romain Ganneau, le secteur doit sortir d’une logique où :
- les projets sont financés par POC successifs,
- les solutions changent trop souvent,
- les entreprises survivent sans passer à l’échelle.
Il appelle à une coopération public-privé fondée sur la pérennité économique : « Pas d’impact social durable sans modèle économique durable. »
La vision des entrepreneurs
Télégraphique, créée il y a 13 ans, illustre cette réalité. Alexandre Bataille reconnaît que l’entreprise n’a trouvé son modèle que progressivement et reste en adaptation constante, notamment grâce aux nouvelles technologies et à l’évolution du marché.
2030 : une téléassistance plus invisible, plus proactive, mais toujours humaine
En fin de table ronde, les intervenants ont esquissé la téléassistance de demain.
Pour Alix Torres :
- elle sera invisible dans l’usage,
- non stigmatisante,
- largement fondée sur la détection précoce,
- enrichie par des dispositifs non portés, intégrés dans l’habitat.
Mais surtout : elle restera profondément humaine.
Alix Torres le rappelle en se projetant elle-même dans l’avenir : « Je n’ai pas envie qu’un robot me serve mes repas quand je serai en EHPAD. »
Cette vision, partagée par tous les intervenants, résume la ligne directrice d’une téléassistance 2030 :
- plus technologique,
- plus prédictive,
- plus intégrée,
mais jamais déshumanisée.
La téléassistance : Un secteur à un tournant décisif
La table ronde du Festival SilverEco 2025 a mis en lumière :
- une évolution rapide des usages,
- une montée en puissance de la prévention,
- un impératif de souveraineté numérique,
- un modèle économique à réinventer,
- et une exigence fondamentale : ne jamais perdre le lien humain.
La téléassistance de demain sera peut-être invisible, mais elle devra rester profondément visible dans la vie et dans le cœur de ceux qu’elle accompagne.
Cet article a été publié par la Rédaction le



