[Replay] Téléassistance sans frontières : IA, capteurs et innovations centrées sur l’humain pour bien vieillir à domicile

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Lors du Festival SilverEco Bien-Vieillir 2025, une salle comble s’est réunie pour la table ronde « Téléassistance sans frontières : IA, capteurs et innovations centrées sur l’humain pour bien vieillir à domicile », un échange consacré à l’impact des technologies connectées sur le soutien aux personnes âgées. Animée par Jessilyn Forigo, Directrice générale des partenariats mondiaux à l’International Federation on Ageing (IFA), la discussion réunissait trois figures européennes de l’innovation en téléassistance : Jill Mulder, CEO de Genus Care (Pays-Bas) ; Iñaki Bartolomé, CEO de Kwido (Espagne) ; et Aurélien Poisson, Directeur France de Legrand Care.

[Replay] Téléassistance sans frontières : IA, capteurs et innovations centrées sur l’humain pour bien vieillir à domicile

En quarante minutes, le panel a dressé le portrait d’un écosystème de soins sous pression (vieillissement démographique, pénurie de main-d’œuvre, évolution des structures familiales) et du rôle que la technologie, lorsqu’elle est mise en œuvre avec discernement, pourrait jouer dans la redéfinition du « soin à domicile » dans les années à venir.

La téléassistance : Un secteur sous tension et en transition

Jessilyn Forigo a rappelé d’emblée que les sociétés réinventent aujourd’hui leur rapport au soin. Les citoyens souhaitent vieillir chez eux, dans la dignité et l’autonomie, alors même que les effectifs nécessaires pour les accompagner diminuent. La technologie, a-t-elle souligné, « ne remplace pas le soin humain, elle l’étend et l’améliore ».

Les intervenants ont tous partagé cette vision. Jill Mulder, CEO de Genus Care, a mis en avant le « double effet du vieillissement » : plus de personnes âgées, moins de soignants, et affirmé que la réponse repose sur trois piliers : la technologie pour réduire la distance, l’implication des proches, et des outils prédictifs capables de limiter les interventions imprévues.

Aurélien Poisson, Directeur France de Legrand Care, a souligné que la sécurité reste le moteur principal de l’adoption de solutions connectées. Pour Legrand Care, qui compte plus de trois millions d’utilisateurs en Europe, garantir une liaison fiable entre les personnes âgées et les aidants est primordial. Mais selon lui, la transition de l’aide sociale vers un accompagnement plus clinique à domicile s’accélère, imposant une nouvelle façon d’innover dans l’industrie.

Iñaki Bartolomé, CEO de Kwido, quant à lui, a livré un constat plus préoccupant : « Nous n’attirons pas de talents… dans ce secteur ni dans d’autres », a-t-il déploré. L’évolution des familles et l’augmentation de l’isolement social aggravent encore la situation. La technologie, selon lui, devient « le seul allié » capable d’aider les systèmes à suivre le rythme des évolutions démographiques.

Téléassistance sans frontières : IA, capteurs et innovations centrées sur l’humain pour bien vieillir à domicile – Le Replay

(table ronde en anglais)

Le paysage technologique : au-delà des alertes de chute

Si le grand public associe souvent la téléassistance à la détection de chutes ou aux boutons d’alarme, les trois experts ont décrit un horizon technologique bien plus vaste, de plus en plus structuré par la donnée.

Jill Mulder a insisté sur le fait que l’intelligence artificielle ne peut fonctionner efficacement sans données continues et fiables. Genus Care déploie ainsi des dispositifs intégrant capteurs, outils de communication et accessoires connectés dans une plateforme unifiée reliant familles, centres d’alarme et professionnels. L’objectif : constituer un « bassin de données » permettant des modèles prédictifs autour des risques de déshydratation, de chute ou de changements comportementaux.

Iñaki Bartolomé a décrit Kwido comme un écosystème qui apporte l’expertise gériatrique directement au domicile. Son centre virtuel combine plans d’activités quotidiennes, outils de stimulation cognitive, canaux de communication entre familles et professionnels, ainsi qu’un suivi sensoriel enrichi par l’IA. Dans certaines régions, ce modèle a déjà prouvé sa capacité d’extension : au Pays basque espagnol, le budget d’un centre de jour prévu pour 50 personnes soutient désormais 400 familles à distance.

Le potentiel de l’IA, ont-ils convenu, réside moins dans l’automatisation que dans la capacité à détecter des signaux faibles, début de déclin cognitif, changements subtils de routine, baisse d’hydratation ou isolement accru. « L’IA ne doit pas faire le choix », a résumé Jill Mulder. « Elle doit proposer les options. »

Éthique, responsabilité et résistances

L’innovation implique aussi la responsabilité. Aurélien Poisson a insisté sur la nécessité de bâtir un cadre éthique solide avant d’intégrer l’IA plus profondément dans les services. Au sein de son entreprise, la première étape a été d’encourager les collaborateurs à utiliser l’IA pour leurs propres tâches, afin d’en comprendre l’impact avant de l’intégrer dans les produits destinés aux usagers.

La résistance culturelle du secteur médico-social aux technologies est revenue à plusieurs reprises. Iñaki Bartolomé a rappelé que la santé utilise déjà largement l’IA, alors que le secteur social reste hésitant : « Peut-être que nous ne voulons pas changer nos façons de faire », a-t-il avancé. La peur, selon lui, demeure un frein majeur.

Jill Mulder a ajouté que l’adoption technologique exige aussi d’accepter une vérité sociétale : les familles devront jouer un rôle plus important dans le soin, soutenues, mais non remplacées, par les outils numériques.

Téléassistance : Interopérabilité et nécessité de partenariats

Un thème central a été la coopération entre acteurs. Jill Mulder a insisté : aucune entreprise ne peut « tout faire ». L’interopérabilité (la capacité des systèmes à échanger des données) est essentielle pour accélérer l’adoption, éviter les redondances et construire des solutions réellement évolutives.

Iñaki Bartolomé a averti que la transformation numérique ne consiste pas à « acheter de la technologie comme des courses ». Les organisations doivent repenser leurs processus, pas seulement superposer des dispositifs sur des méthodes anciennes. La réussite, selon lui, dépend de la co-création entre prestataires, institutions et utilisateurs finaux.

Aurélien Poisson a décrit le moment actuel comme une période de « porosité » entre l’aide sociale et les soins médicaux, où les partenariats industriels deviennent indispensables.

Imaginer les équipes de demain

Dans un horizon de cinq à dix ans, les intervenants prévoient un mélange de continuité et de transformation. Les gestes de soin essentiels resteront, mais les interventions non planifiées devraient diminuer grâce aux systèmes prédictifs. Le travail à distance devrait se développer, permettant par exemple à des aidants à mobilité réduite de poursuivre leur activité via des services en visioconférence.

Iñaki Bartolomé a évoqué le cas du Japon, où la pénurie extrême de personnel a conduit à introduire des robots pour certaines tâches. L’Europe, selon lui, pourrait suivre cette voie, qu’elle s’y sente prête ou non.

Aurélien Poisson a affirmé que la technologie ne réduira pas le lien humain, mais modifiera sa nature : « Elle rendra les liens différents, et nous devons réfléchir autrement. »

Financer la transition

Interrogée sur la manière de convaincre les gouvernements d’investir davantage dans les soins connectés, Jill Mulder a plaidé pour des déploiements à grande échelle permettant aux systèmes de « faire un saut de confiance » et d’apprendre de données réelles plutôt que de petites expérimentations.

Iñaki Bartolomé a décrit la période actuelle comme un point de bascule, où l’inaction risque de provoquer une défaillance systémique. Mettre en avant des réussites concrètes et des économies tangibles est, selon lui, indispensable.

Un appel à co-créer l’avenir de la téléassistance

En conclusion, les intervenants sont revenus sur la nécessité d’ouverture et de collaboration.

Aurélien Poisson a décrit le marché français comme entrant dans une phase particulièrement dynamique, avec de nouveaux usages en expérimentation. Iñaki Bartolomé a encouragé l’auditoire à privilégier la « co-création » plutôt que l’achat de solutions prédéfinies. Jill Mulder a souligné la volonté surprenante des acteurs internationaux de se connecter, partager et construire ensemble des solutions d’excellence.

Jessilyn Forigo a clôturé en remerciant les participants et le public, invitant chacun à réfléchir à l’avenir de la téléassistance connectée, et aux relations humaines qui continueront de l’accompagner.


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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