Pourquoi le lithium suscite de nouveaux espoirs face à la maladie d’Alzheimer ?

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Une étude récemment publiée dans la revue Nature révèle qu’un déficit en lithium dans le cerveau pourrait jouer un rôle central dans le développement de la maladie d’Alzheimer. Ces travaux menés par le Harvard medical School ouvrent la voie à une potentielle stratégie thérapeutique, encore certes expérimentale mais porteuse d’espoir.

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  • Une étude de Harvard publiée dans Nature révèle une carence en lithium dans le cerveau des personnes atteintes d’Alzheimer.
  • Le lithium serait capté par les plaques amyloïdes, accélérant la neurodégénérescence.
  • Chez la souris, une supplémentation en lithium a permis de freiner le déclin cognitif.
  • Les chercheurs appellent à la prudence : aucun essai clinique humain n’a encore confirmé ces résultats.
  • Le lithium, non brevetable, pose aussi un défi économique pour un futur traitement.
logo nature Alzheimer lithium

Le lithium, un métal naturellement présent dans l’organisme

Le lithium est un élément chimique de couleur argentée, connu du grand public comme un composant essentiel des batteries, notamment celles des voitures électriques. Mais il est aussi naturellement présent dans l’organisme humain à l’état de traces, réparti dans les organes, y compris le cerveau.

Depuis le XIXe siècle, la médecine s’intéresse à ses propriétés : d’abord utilisé pour ses vertus supposées sur la régulation de l’humeur, il a ensuite été prescrit dans le traitement de la bipolarité dès les années 1970. Aujourd’hui, son rôle revient au premier plan, non plus en psychiatrie, mais dans le champ des maladies neurodégénératives.

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Alzheimer : une carence en lithium observée dans le cerveau

La maladie d’Alzheimer touche près de 35,6 millions de personnes dans le monde, dont près d’un million en France. Elle représente 60 à 80% des cas de démence et reste aujourd’hui sans traitement curatif.

Les chercheurs de Harvard et de l’université de Rush ont comparé les concentrations de 27 métaux présents dans les tissus cérébraux humains post-mortem. Leur conclusion est frappante : le lithium est le seul métal significativement réduit dans les cerveaux atteints d’Alzheimer, dès le stade de troubles cognitifs légers.

Autre constat : ce lithium est capté par les plaques amyloïdes, ces amas de protéines qui s’accumulent entre les neurones et constituent l’un des marqueurs majeurs de la maladie. “Cette découverte a confirmé que l’amyloïde capte le lithium des tissus environnants et le séquestre” précise l’article publié dans Nature.

Résultat : un cercle vicieux se met en place. Moins de lithium disponible entraîne plus de plaques amyloïdes, lesquelles piègent encore davantage de lithium, accélérant ainsi la progression de la neurodégénérescence

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Des expériences sur la souris encourageantes

Pour confirmer ces observations, les chercheurs ont mené une série d’expérimentations sur les souris. Privées de lithium dans leur régime alimentaire, elles ont rapidement développé des lésions cérébrales : augmentation des plaques amyloïdes, inflammation, perte de connexions nerveuses et déclin cognitif accéléré.

À l’inverse, la supplémentation en orotate de lithium, une forme différente du carbonate de lithium habituellement utilisé en psychiatrie, a permis d’inverser les dommages. Les rongeurs ont alors vu leur mémoire restaurée et leur déclin cognitif freiné, même à un stade avancé de la maladie.

Bruce Yankner, professeur de génétique et neurologique à Harvard dans un communiqué de l’université de harvard

C’est la première fois qu’on prouve que le lithium existe naturellement à un niveau biologiquement utile, sans être administré sous forme de médicament (…) Je n’ai jamais rien observé de tel depuis que je travaille sur cette maladie.

Bruce Yankner, professeur de génétique et neurologique à Harvard

Prudence : Du laboratoire à l’homme, un long chemin

Malgré l’enthousiasme suscité par ces résultats, les spécialistes appellent à la prudence. “Cette découverte reste, pour l’instant, une hypothèse car les résultats trouvés chez la souris n’ont pas été prouvés chez l’homme. Aucun essai clinique n’a encore prouvé son efficacité”, tempère le Professeur Amouyel dans un entretien accordé à RFI.

De plus, à fortes doses, le lithium peut être toxique, notamment pour les reins et la thyroïde. « Mais les doses administrées lors de l’expérience sont si faibles qu’elles ne seraient sans doute pas toxiques« , nuance Luc Buée, directeur du Centre de recherche Lille Neuroscience & Cognition, dans une interview donnée à France 24. 

Le passage à des essais cliniques chez l’humain est donc la prochaine étape. Mais ce processus pourrait prendre 10 à 25 ans avant d’aboutir à un éventuel traitement disponible sur le marché.

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Un défi scientifique… et économique

Un autre obstacle se dessine : le lithium étant un élément naturel, il ne peut donc pas être breveté.Aucune compagnie pharmaceutique ne va faire de profit sur le lithium” s’inquiète Tomas Hajek, psychiatre à l’Université de Dalhousie, cité dans Nature.

Pour autant, il sera certainement possible pour les entreprises pharmaceutiques de breveter la formulation du traitement, comme cela a pu être fait pour le gel hydroalcoolique pendant la pandémie de Covid 19. L’alcool n’était évidemment pas brevetable, mais les marques ont pu breveter sa formulation.

Lithium et Alzheimer : Prévention et perspectives

Si les résultats restent à confirmer, cette étude relance une piste majeure pour comprendre et traiter Alzheimer. Elle pourrait aussi avoir des implications plus larges, puisque le lithium semble jouer un rôle essentiel dans l’équilibre cérébral au-delà de cette seule pathologie.

Il n’est pas du tout idiot de penser qu’une supplémentation en lithium à très faible dose pourrait s’avérer utilise pour d’autres pathologie. Notre cerveau est comme une horloge, chaque petit rouage a un rôle à jouer.

En attendant, les recommandations des médecins demeurent inchangées : activités intellectuelles régulières, bonne hygiène de vie et interactions sociales restent les meilleures armes pour retarder l’apparition des symptômes.

Télécharger l’étude « Lithium deficiency and the onset of Alzheimer’s disease »


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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