Réformer en profondeur la prise en charge de la perte d’autonomie des personnes âgées : c’est l’ambition du rapport annuel présenté par l’économiste Frédéric Bizard lors du congrès annuel de la Fédésap, le 19 septembre 2025. Fruit de plusieurs années de travaux menés par l’Institut Santé et de conférences de consensus organisées au printemps dernier, ce document propose une refonte systémique du modèle français jugé aujourd’hui “en cours d’implosion”.

- L’Institut Santé publie un rapport alarmant sur la perte d’autonomie, jugée « en cours d’implosion » et appelant à une réforme urgente.
- Le nombre de personnes âgées dépendantes passera de 2,7 M en 2025 à 3,6 M en 2050, avec un coût public estimé à 115 Md€.
- Objectif : un virage domiciliaire 75 % domicile / 25 % établissement en 2050, avec 400 000 places d’EHPAD converties en logements alternatifs.
- Le rapport préconise prévention et nouveaux métiers, dont 100 000 care managers pour coordonner les parcours d’ici 2050.
- Un financement à trois étages (PUA départementale, assurance publique via CSG, assurance privée obligatoire) garantirait la soutenabilité du système.


La Fédésap salue un changement de paradigme et alerte sur le coût de l’inaction évaluée entre 30 et 48 milliards d’euros d’ici 2050.
La perte d’autonomie : une urgence démographique et économique
Selon les projections, le nombre de personnes âgées dépendantes devrait passer de 2,7 millions en 2025 à 3,6 millions en 2050, avec un « mur” attendu dès la décennie 2030. Le coût des dépenses publiques pourrait alors bondir de 34 à 115 milliards d’euros. Faute de réforme, la facture supplémentaire atteindrait entre 30 et 48 milliards par an à l’horizon 2050, soit jusqu’à 0,8% du PIB.
« Il y a urgence. Il n’est plus temps de penser, il faut agir, et agir vite », insiste Frank Nataf, président de la Fédésap.

Le virage domiciliaire comme priorité
Alors que les Français expriment massivement le souhait de vieillir chez eux, le rapport préconise d’inverser le modèle actuel reposant encore (trop) largement sur les EHPAD. L’objectif fixé : atteindre 75% du domicile / 25% établissement en 2050, contre 60/40 aujourd’hui.
Cette transformation suppose de convertir 400 000 places d’EHPAD en résidences seniors ou en habitats alternatifs, tout en maintenant des établissements hautement médicalisés pour les personnes les plus dépendantes (GIR 1 et 2). Selon l’Institut Santé, ce virage domiciliaire permettrait une économie de 12 milliards d’euros d’ici 2050, tout en améliorant les conditions de vie des personnes âgées.
Perte d’autonomie : prévention et nouveaux métiers
La prévention est placée au cœur de la réforme. Le rapport propose de confier à la Caisse nationale d’assurance vieillesse (CNAV) le dépistage systématique des seniors fragiles dès l’âge de 60 ans et leur suivi personnalisé. Un nouveau métier, celui de “care manager”, serait créé pour coordonner les parcours et éviter les bascules rapides vers la dépendance, avec 100 000 postes à pourvoir d’ici 2050.

Une gouvernance clarifiée
Le dispositif de gouvernance, jugé aujourd’hui illisible et fragmenté, serait profondément réorganisé :
- L’État définirait une stratégie nationale à travers une loi de programmation
- La CNSA deviendrait l’opérateur central et disposerait d’un véritable conseil d’administration
- Les départements seraient confirmés comme chefs de file opérationnels de proximité
- La CNAV piloterait la prévention et l’accompagnement des seniors fragiles
Perte d’autonomie : Un financement à trois étages
Pour assurer la soutenabilité du modèle, le rapport défend un système tripartite inédit :
- Une prestation universelle autonomie (PUA) financée par les départements, garantissant une couverture quasi-intégrale aux plus modestes.
- Une assurance publique autonomie, alimentée par la CSG et une contribution élargie des retraités.
- Une assurance privée mutualiste obligatoire à partir de 60 ans, pour financer les services complémentaires.
Ce schéma vise à mieux répartir l’effort sans alourdir la charge fiscale des actifs et des entreprises.

Vers un “changement de paradigme”
Au-delà des aspects techniques, l’Institut Santé et la Fédésap plaident pour un modèle qui place “la primauté de la dignité de la personne” au centre de toute prise en charge. L’accent est mis sur l’autonomie plutôt que sur la dépendance, avec des parcours personnalisés, le libre choix du prestataire et une meilleure intégration des innovations de la silver économie. La balle est désormais dans le camp du politique.

Si le Parlement a su trouver une majorité sur l’aide à mourir, en dépit d’une Assemblée nationale divisée en trois blocs, il doit pouvoir en trouver une sur l’autonomie de nos aînés. C’est une question transpartisane et d’urgence nationale.
Frank Nataf, président de la Fédésap
Cet article a été publié par la Rédaction le



