[Replay] Salariés aidants : former et soutenir

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : AIDANTS & AIDE AUX AIDANTS

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Alors que près d’un salarié sur cinq soutient déjà un proche en perte d’autonomie, la question des aidants s’impose désormais comme un enjeu majeur pour les entreprises. Entre tabou persistant, besoin massif de formation et solutions émergentes, la table ronde « Salariés aidants : former et soutenir » du Festival SilverEco 2025 dévoile les angles morts mais aussi les leviers d’action pour mieux accompagner ces actifs sous pression.

salariés aidants

À l’occasion du Festival SilverEco 2025, une table ronde consacrée aux salariés aidants a réuni trois acteurs clés du sujet :

  • Jean-Manuel Kupiec, conseiller à la direction générale de l’OCIRP,
  • Élodie Marchat, directrice de l’Institut 4.10,
  • Frédérique Cintrat, directrice générale de Marguerite Service.

Animée par Jérôme Pigniez, cette discussion dense a mis en lumière une réalité encore largement méconnue : l’aide aux proches constitue un enjeu majeur pour les actifs d’aujourd’hui, et un défi croissant pour les entreprises.

Salariés aidants : former et soutenir – Le Replay

Salariés aidants : Un phénomène massif mais encore tabou

« En France, un salarié sur cinq est aidant, et en 2030 ce sera un sur quatre », rappelle d’emblée le modérateur. Le vieillissement de la population bouleverse déjà le monde du travail, et les conséquences sont multiples : épuisement, absentéisme, performance dégradée, coûts cachés.

Le baromètre OCIRP–Viavoice 2025, dévoilé en exclusivité, confirme des tendances lourdes. L’âge moyen de l’aidant salarié est de 44 ans, bien loin de l’image du senior, et l’entrée dans l’aidance survient vers 34 ans.

Jean-Manuel Kupiec met en avant deux « dénis » structurants qui expliquent l’invisibilité persistante du phénomène :

  • le déni de se reconnaître soi-même comme aidant,
  • le déni d’en parler à l’employeur, par peur d’être perçu comme fragile.

En miroir, les entreprises souffrent elles-mêmes d’un « tabou », comme le résume Jean-Manuel Kupiec : « L’entreprise sait qu’elle a des aidants, mais elle ne sait pas qui ils sont. Et elle craint d’ouvrir un sujet glissant : comment concilier vie privée et vie professionnelle ? »

Pourtant, la situation évolue. Le déni recule : la part des salariés ne se sentant pas concernés est passée de 55 % à 45 % entre 2021 et 2025.

Un sujet qui dépasse les grandes entreprises

Si les grands groupes, notamment bancaires et assurantiels, se sont historiquement emparés du sujet, Jérôme questionne la capacité des TPE-PME à suivre le mouvement.

Selon Jean-Manuel Kupiec, ce sont alors les branches professionnelles qui deviennent déterminantes :

  • elles négocient des accords collectifs,
  • elles permettent une diffusion plus large des dispositifs.

Entre 2024 et 2025, le nombre de branches engagées est passé de 5 à une dizaine, parfois inattendues : concessionnaires d’autoroutes, cimentiers, laboratoires pharmaceutiques, etc.

Pour aller plus loin, Jean-Manuel Kupiec défend l’idée d’un accord national interprofessionnel (ANI) dédié aux aidants, qui constituerait « une avancée sociale et politique majeure ».

Former, informer, sensibiliser : la triple mission de l’Institut 410

L’Institut 410, organisme de formation de référence pour les 150 000 salariés de la Sécurité sociale, joue un rôle central dans la montée en compétence des organisations.

Élodie Marchat rappelle plusieurs constats préoccupants issus du baromètre :

  • 58 % des salariés aidants et
  • 70 % des non-aidants estiment ne pas être suffisamment informés sur le sujet.

Les besoins de formation touchent tous les niveaux de l’entreprise :

  • employeurs et directions, pour piloter une politique aidants,
  • DRH, pour maîtriser les dispositifs souvent méconnus,
  • managers, pour repérer les signaux faibles,
  • salariés, pour s’auto-diagnostiquer et connaître leurs droits.

L’Institut innove notamment via un court-métrage en réalité virtuelle, Dans la peau de Laetitia, salariée aidante, qui permet d’expérimenter de l’intérieur la bascule souvent brutale vers l’aidance, ici après l’AVC d’un parent.

Ce support immersif aide à comprendre le déni, les non-dits, et la difficulté pour les managers de détecter la situation lorsqu’aucun signe n’est exprimé.

Care management : un appui externe pour lever les tabous sur les salariés aidants

Marguerite Service, représentée par Frédérique Cintrat, propose un modèle de care management, défini comme un « super-aidant externalisé » ou un « concierge médico-social ».

La structure accompagne les entreprises, institutions de prévoyance et caisses de retraite pour épauler leurs salariés aidants, souvent à distance de la personne aidée, la moyenne évoquée est de 200 kilomètres.

Son rôle :

  • évaluer les besoins de la personne aidée,
  • identifier les droits du salarié selon sa mutuelle, sa caisse, sa convention,
  • organiser les démarches (aides, financements, services),
  • intervenir en toute confidentialité, un point crucial pour contourner le tabou hiérarchique,
  • agir lors des moments critiques (sortie d’hospitalisation, deuil, perte d’autonomie soudaine).

Ce soutien permet au salarié de réduire sa charge mentale, d’éviter l’absentéisme et d’améliorer sa disponibilité au travail.

Le modèle économique varie selon les entreprises : forfait global, mutualisation par salarié, ou prise en charge partielle selon le niveau d’accompagnement souhaité.

Vers une reconnaissance organisationnelle des salariés aidants

Les intervenants convergent sur un point : les entreprises ont tout intérêt à structurer leur approche. Parmi les pistes évoquées :

  • création de référents aidants à partir de 50 salariés,
  • intégration du sujet dans la QVCT,
  • mobilisation des collègues (dons de RTT, soutien de proximité),
  • meilleure prévention du burnout, souvent lié à l’aide informelle mais invisible dans les arrêts de travail.

Élodie Marchat cite un chiffre marquant :

59 % des DRH et 49 % des managers estiment que le sujet reste tabou.

Or, l’épuisement, la charge mentale et les difficultés d’organisation peuvent être anticipés par une politique aidants structurée, y compris via des accords extralégaux, du télétravail ou des aménagements de poste.

L’aidance : Une réalité féminine, mais qui évolue

Jean-Manuel Kupiec rappelle également la dimension genrée de l’aidance :

  • 62 % des aidants sont des femmes,
  • 38 % des hommes.

Il souligne aussi que l’on peut être aidant plusieurs fois dans sa vie, souvent pendant jusqu’à 10 ans, et parfois 8 heures par jour, soit l’équivalent d’un second travail.

Un enjeu humain, social et économique majeur

Cette table ronde du Festival SilverEco 2025 montre que la question des salariés aidants n’est plus périphérique : elle est au cœur de la transformation démographique et sociale du pays.

Former, soutenir, organiser, lever les tabous : les leviers sont identifiés.
L’enjeu désormais est de généraliser les dispositifs, d’impliquer les branches, et peut-être un jour d’inscrire les aidants dans un accord national interprofessionnel.

Parce que derrière chaque salarié aidant se jouent des équilibres personnels fragiles, mais aussi la performance, la santé et l’avenir des entreprises.


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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