Le rapport tout juste publié par l’Institut Santé remet au centre du débat l’équilibre économique de l’autonomie : où va l’argent, que va-t-il falloir financer demain, et comment faire mieux au moindre reste à charge ?
> L’hebdo du Vieillissement du Pr Bertrand Fougère : « Perte d’autonomie, le vrai sujet, c’est le modèle de financement ? »

Perte d’autonomie : Constats clés (économie & équité)
- Tension structurelle : le système de financement concentre l’effort sur la grande dépendance en établissement alors que les besoins augmentent surtout à domicile ; la gouvernance et le financement restent fragmentés et peu lisibles
- Reste à charge : à domicile, pour les bénéficiaires de l’APA, le reste à charge moyen est faible (≈ 47 € / mois en 2019, après APA et crédit d’impôt), mais il varie selon revenus et départements. En établissement, les frais de séjour moyens ≈ 2 385 € / mois, souvent supérieurs aux revenus des résidents
- Poids public : en 2018, la prise en charge publique s’élevait à ≈ 21,6 Md€, dont ≈ 56 % par l’Assurance maladie ; 60 % des financements vont aux personnes en établissement (41 % des effectifs)
Perspectives (horizon 2030-2050)
- Mur démographique : hausse rapide des 75+ et des situations de fragilité/dépendance. Sans réforme, la dépense publique « autonomie » progresserait de 1,15 % à ~2 % du PIB d’ici 2050 (+0,85 pt), avec une accélération dès la décennie 2030
- Virage domiciliaire décisif : passer de 60/40 (domicile/établissement) à 75/25 en 2050 dégagerait ≈ 12 Md€ d’économies cumulées (hors bénéfices sociaux). À besoins équivalents, le domicile coûte beaucoup moins que l’EHPAD (ordre de grandeur : ~11 700 €/an vs ~22 600 €/an de dépenses publiques)
Solutions (opérationnelles & financières) pour la perte d’autonomie
- Prévenir et repérer plus tôt : repérage systématique des fragiltés ICOPE dès 60 ans, suivi structuré, pour retarder/éviter la perte d’autonomie
- Assumer le virage domiciliaire : rehausser et sécuriser les tarifs des services à domicile, accélérer l’intégration soins-aides-logement-vie sociale, et développer les habitats intermédiaires
- Simplifier le parcours & lutter contre le non-recours : guichet & formulaire unifiés pour l’APA et les aides connexes, appui aux démarches, lisibilité des droits
- Bouclier médico-social & reste à charge plafonné : sécuriser financièrement les ménages via un plafond de reste à charge proportionnel au revenu
- Financement lisible et soutenable : modèle tripartite articulant :
- un filet beveridgien départemental (prestation unique autonomie pour bas revenus),
- une assurance publique autonomie (CNSA) financée par impôt + cotisation dédiée,
- une assurance privée supplémentaire, obligatoire, pour services non couverts
- Gouvernance responsabilisée : État stratège + CNSA démocratisée, département chef de file opérationnel, contrat personnalisé de prise en charge
- Silver tech utile avec évaluation médico-économique et juste prix
Et vous, si vous ne deviez choisir une mesure laquelle serait-ce ?
L’hebdo du Vieillissement est une tribune régulière du Pr Bertrand Fougère

Bertrand FOUGÈRE
Professeur de Gériatrie
Pôle Vieillissement – Université / CHU ToursBertrand Fougère est Professeur de Gériatrie, depuis 2018 spécialiste reconnu dans le domaine du vieillissement et de la prise en charge des personnes âgées. Fort de son expertise, il collabore régulièrement avec les ministères de la Santé et des Solidarités pour développer des politiques de prévention et d’accompagnement innovantes. Son parcours est marqué par une participation à des initiatives structurantes visant à renforcer l’autonomie et la qualité de vie des personnes âgées, ainsi qu’à soutenir les aidants.
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