L’emploi des jeunes est une faiblesse structurelle du marché du travail en France. Pourtant, l’insertion professionnelle est la clé de l’autonomie. La situation la plus préoccupante est celle des 80 000 « décrocheurs » qui sortent chaque année du système éducatif sans qualification ni diplôme. Comment identifier et raccrocher les « décrocheurs » ? Quels sont les dispositifs de formation et d’accompagnement les plus efficaces ? Retour sur le Lab OCIRP Autonomie du 24 juin 2025.

- Le LAB OCIRP Autonomie du 24 juin 2025 s’est penché sur l’insertion sociale et professionnelle des jeunes décrocheurs.
- En France, près de 80 000 jeunes quittent chaque année le système éducatif sans diplôme ni qualification.
- La Fondation OCIRP soutient des initiatives concrètes pour favoriser l’inclusion (E2C, Réseau Étincelle, Fondation des amis de l’atelier…).
- L’EPIDE propose un accompagnement structurant et intensif vers l’emploi, avec un taux d’insertion de 68 %.
- Objectif partagé : faire de l’autonomie des jeunes un pilier durable de la cohésion sociale.

« Jeunesse et autonomie : réussir l’insertion sociale et professionnelle des décrocheur »
La session du LAB OCIRP Autonomie du 24 juin 2025 a abordé ces questions avec :
– Cécile DELHOMME, Responsable mécénat de la Fondation OCIRP
La Fondation d’entreprise OCIRP soutient, accompagne et valorise des initiatives qui renforcent l’égalité des droits et des chances, en complémentarité avec l’action publique et associative : pour que chacun puisse se construire dans un environnement accessible à tous, qui s’adapte aux différences et mise sur elles.
– Nathalie CHUSSEAU, Économiste et professeure à l’Université de Lille, spécialiste du marché du travail
– Jérôme BLANCHARD, Directeur des centres EPIDE (Etablissement pour l’insertion dans l’emploi) des Hauts de France.
L’EPIDE est un établissement public au service de la jeunesse, relevant des ministères de l’emploi, de la politique de la ville et des armées. Il se dédie, dans chacun de ses centres, à l’insertion sociale et professionnelle des jeunes de 17 à 25 ans en difficulté. Sa mission : les amener à reprendre le contrôle de leur vie, trouver une orientation qui leur correspond, et réussir dans la vie active.

Introduction de Jean-Manuel KUPIEC, Directeur du LAB OCIRP Autonomie
Quand on parle d’autonomie, on pense souvent aux personnes âgées ou en situation de handicap. Mais l’autonomie, c’est tout au long de la vie. C’est bien vieillir, mais aussi bien grandir et bien commencer dans la vie.
Être autonome, c’est être autonome financièrement, avoir un métier, un emploi, un logement, une identité sociale, donner un sens à sa vie. Vous me direz que j’enfonce des portes ouvertes! Mais justement, pour les jeunes, les portes sont souvent fermées !
Nous avons un problème en France avec l’emploi des « seniors », mais aussi avec l’emploi des « jeunes ».
Les jeunes sont plus touchés par le chômage et la précarité. 80 000 jeunes par an sortent du système scolaire sans diplôme ni qualification. La situation est particulièrement difficile pour les NEETS (ni en emploi, ni en formation, ni en études : environ 13% des 15-29 ans) et pour les décrocheurs qui quittent le système scolaire et parfois cumulent les difficultés.
A l’OCIRP, nous pensons que la protection sociale, les partenaires sociaux, aux côtés de l’Etat et de la société tout entière, ont une responsabilité vis-à-vis de ces jeunes.
L’OCIRP et son LAB sont engagés pour l’autonomie des jeunes.
- De façon concrète et pragmatique avec sa rente éducation, son action sociale, l’action de sa Fondation au service de l’inclusion comme va nous le montrer Cécile Delhomme.
- En portant politiquement ce sujet auprès des partenaires sociaux, dans les branches professionnelles. En 2022 l’OCIRP a choisi d’organiser le Campus des branches professionnelles sur le thème : Place aux jeunes ! Cela a permis de mobiliser les branches professionnelles, les partenaires sociaux, la protection sociale autour de la place faite aux 15-29 ans, dans l’emploi et dans la société.
Nous avons la chance d’accueillir aujourd’hui des intervenants de très grande qualité, spécialistes de l’insertion des jeunes, qui vont nous apporter une vision à la fois globale et très concrète.
A présent, j’ai le plaisir de donner la parole à Cécile DELHOMME, Responsable mécénat de la Fondation OCIRP, pour nous présenter l’action concrète de la Fondation au service des jeunes.

La Fondation OCIRP, engagée pour l’autonomie des jeunes
Intervention de Cécile DELHOMME, Responsable mécénat de la Fondation OCIRP
L’OCIRP et la Fondation OCIRP œuvrent pour l’autonomie et la jeunesse.
Pour compléter son rôle d’acteur de la protection sociale complémentaire, l’OCIRP, union d’institutions de prévoyance, a créé sa Fondation d’entreprise en 2009.
La Fondation a consacré 10 années, de 2009 à 2019, à faire connaître et reconnaître la situation des orphelins en France.
La Fondation OCIRP a développé une connaissance fine des situations de vulnérabilité et en particulier celle des orphelins, grâce notamment à des études menées avec l’IFOP. Nous savons par exemple qu’il existe un risque avéré d’accroissement des difficultés scolaires pour les élèves orphelins. 28% des adultes orphelins n’ont aucun diplôme (contre 17% de l’ensemble des adultes). Pour lutter contre ce risque de décrochage, la Fondation a souhaité outiller les enseignants et le personnel éducatif en publiant le guide Etre orphelin à l’école – Mieux comprendre pour mieux accompagner (réédité en 2024).
Depuis 2019, la Fondation OCIRP a élargi sa feuille de route pour accompagner celles et ceux qui doivent relever les défis de la vie autonome, quelles que soient les situations difficiles ou les épreuves traversées : deuil, situation de handicap, aidance, isolement, entrée dans le grand âge …
La Fondation OCIRP soutient financièrement, accompagne et valorise les acteurs engagés pour l’autonomie. Elle agit pour dynamiser l’écosystème associatif dans les territoires et diversifier les réponses de proximité. Elle a lancé en 2024 un appel à projets sur la thématique de l’accessibilité universelle à l’emploi. Il s’agit de favoriser l’accès à l’emploi pour tous, quelle que soit la situation : jeunes décrocheurs, aidants, personnes en situation de handicap, personnes endeuillées …
En 2025, nous accompagnons des initiatives favorisant l’insertion des jeunes décrocheurs. Ceci d’une part avec l’Ecole de la 2ème Chance (https://reseau-e2c.fr/), qui propose des parcours d’insertion, notamment dans les métiers du soin et du service à la personne, à des jeunes de 16 à 25 ans qui n’ont ni diplôme ni formation. D’autre part avec le Réseau Etincelles (https://reseau-etincelle.com/) qui propose aux jeunes des parcours de remobilisation et d’insertion vers les métiers du BTP et du numérique. Au-delà des décrocheurs, la Fondation OCIRP travaille par exemple à l’insertion des personnes en situation de handicap mental à la recherche d’un emploi, avec la Fondation des amis de l’atelier (https://www.fondation-amisdelatelier.org/), des personnes touchées par un cancer avec ADAPT (https://www.ladapt.net/) ou encore des aidants avec l’association Aidants et bien + (https://aidantsetbienplus.org/).
Autre exemple de l’engagement de la Fondation OCIRP pour la jeunesse et l’autonomie : les Journées pour l’inclusion, organisées dans les locaux de l’OCIRP, pour promouvoir l’accessibilité universelle à l’emploi. En 2025, la Fondation a convié des bénéficiaires de structures partenaires – travailleurs en ESAT, jeunes décrocheurs ave l’E2C, personnes en situation de handicap et en recherche d’emploi. L’objectif était de favoriser le partage d’expérience et de parcours de vie entre les salariés de l’OCIRP volontaires, les professionnels de l’insertion, les personnes accompagnées et des personnalités inspirantes comme Valentin BERTRAND, athlète paralympique.
Jeunesse et autonomie : réussir l’inclusion sociale et professionnelle des décrocheurs
Intervention de Nathalie Chusseau, professeure d’économie, Université de Lille & Sciences Po Lille et vice-Présidente du conseil national scientifique de l’EPIDE.
I- Les difficultés d’insertion des jeunes : NEETS et décrocheurs
Qui sont les NEETS (not in education, employment or training ?)
Il s’agit de jeunes de 15 à 29 ans qui ne sont ni en emploi, ni en études, ni en formation (neiter in education, nor in employment or training).
En 2024, les NEETS représentent 12,8% des jeunes de 15 à 29 ans, soit environ 1,4 million de personnes et plus d’un jeune sur huit – un jeune sur trois dans les quartiers prioritaires de la politique de la ville. Jusqu’à l’âge de 24 ans, les hommes sont plus nombreux parmi les NEETS ; après cet âge, les femmes sont les plus nombreuses – cela est en partie lié à la monoparentalité.
Les NEETs représentent 17,4% des jeunes de 25 à 29 ans, donc beaucoup de jeunes de plus de 25 ans sont concernés.
13,7% des jeunes femmes françaises sont des NEETs, plus que les jeunes hommes (12,1%) même si l’écart s’est réduit depuis 2008
Les différentes situations des NEETS :
- 45% des NEETS sont au chômage (INSEE 2021)
- 24% sont inactifs et désirent travailler sans pour autant répondre aux critères de disponibilité ou de recherche d’emploi leur permettant d’être considérés comme chômeurs et se retrouvent dans le halo du chômage
- 31% sont inactifs et déclarent ne pas vouloir travailler pour diverses raisons (enfants, problèmes de santé, etc.)
Les jeune sans diplôme et éloignés de l’emploi représentent 20% des NEETs : il s’agit des décrocheurs.
Les mères éloignées du marché du travail représentent 14% des NEETs. 29 % n’ont aucun diplôme, 26 % possèdent un CAP ou un BEP. 43% des NEETs ont un père ouvrier et 12% un père employé (INJEP 2020).
Le problème majeur est donc l’accès au diplôme, lui-même lié à l’origine sociale.

La catégories « NEETs » regroupe des profils très variés (chômeurs, jeunes en transition, en voyage, malades ou en situation de handicap, jeunes désengagés et marginalisés).
- Si l’on se concentre sur les « décrocheurs », c’est à dire celles et ceux qui quittent le système éducatif sans aucun diplôme, ils sont environ 1 million en France (sur 1,4 M de NEETs) : 470000 jeunes de 18 à 24 ans selon la DEPP et 650000 jeunes de 25 à 29 ans.
Chaque année, entre 80 000 et 90 000 jeunes quittent le système éducatif sans aucun diplôme.
- Les décrocheurs ont un coût direct au niveau national (allocations, aides sociales, manque à gagner fiscal) de 22,2 milliards d’euros par an soit 1,11% du PIB (Eurofound)
- Au niveau européen : 153 milliards d’euros par an soit plus de 1,2% du PIB européen (Eurofound)
- La non-intégration économique de ces jeunes se traduit par un manque à gagner de 0,4% de croissance (Cercle des Economistes)
Les NEETs dans les Hauts de France
Il existe de fortes disparités régionales. Dans les Hauts de France, une des régions les plus pauvres de France, les NEETs représentaient 1 jeune sur 5 en 2018. Les différences sont importantes également à l’intérieur même de ce territoire. Dans certaines zones géographiques, la proportion de NEETs atteint 30% voire 40%, ce qui est considérable. Les politiques publiques doivent donc être adaptées aux réalités locales.
Comment expliquer le phénomène des décrocheurs ?
- Un taux d’emploi des jeunes structurellement faible en France : 34,4% chez les 15-24 ans, alors même que le taux d’emploi des 15-64 ans atteint 68,8% en 2024, soit le niveau le plus élevé depuis 1975. Le taux d’emploi des 15 à 24 ans est de près de 51% en Allemagne et de 64,5% au Danemark par exemple. Le taux d’emploi des 15-24 ans est de seulement 29,1% dans les Hauts de France.
- Faillite du système éducatif et poids de l’origine sociale dans les résultats scolaires particulièrement élevé en France (PISA, OCDE) : l’origine sociale explique plus de 20% de la variation dans les résultats aux tests scolaires.
- Ségrégation scolaire et spatiale. L’indice Indice de Position Sociale de la DEPP) mesure l’impact du milieu social et familial sur les apprentissages scolaires (accès aux livres, à la culture à la maison, CSP des parents, pratiques culturelles). On constate qu’en France les élèves des milieux défavorisés sont concentrés dans les mêmes établissements, notamment au collège. Les élèves des milieux favorisés ou très favorisés sont eux aussi concentrés, dans d’autres établissements. Les enfants des milieux favorisés sont très concentrés dans les établissements privés. Cette ségrégation scolaire liée au milieu social d’origine est problématique ; D’autant que si l’on s’intéresse aux questions éducatives, on sait que la mixité entre enfants de milieux différents a un effet positif sur l’apprentissage des élèves issus de milieux défavorisés, sans faire baisser l’apprentissage des élèves venant de milieux favorisés.

II- Agir pour l’insertion des jeunes
Agir sur les compétences :
- Les compétences transversales, ou soft skills, essentielles au recrutement des entreprises (savoir-être indispensables pour une insertion sur le marché du travail, très importantes s’agissant des décrocheurs) :
- compétences comportementales (arriver à l’heure, avoir confiance en soi, savoir se présenter, se valoriser, se concentrer, gérer le stress)
- compétences sociales (prise de parole en public, capacité à travailler en groupe, à faire du lien avec les autres, gestion du temps, aisance sociale, courtoisie, coopération)
- compétences remarquables (capacité à résoudre des problèmes compliqués et capacités d’adaptation)
Sans ces compétences socles, il ne peut y avoir de retour ou d’insertion durable sur le marché du travail
+ les savoirs fondamentaux (français, sciences, mathématiques)
- Les compétences spécifiques requises dans les secteurs faisant face à des pénuries de main d’œuvre : hôtellerie-restauration, BTP, services à la personne (aide à domicile, personnel soignant), industrie (tourneur fraiseur, chaudronnier)
Comment agir ?
– Agir sur la formation initiale en réduisant les déterminismes sociaux
– Jouer sur la formation tout au long de la vie : raccrocher les décrochés par l’inclusion économiques, grâce à plusieurs dispositifs, ces dispositifs devant être évalués.
– Viser une meilleure employabilité des jeunes, en développant leurs compétences pour notamment répondre aux pénuries de main d’œuvre, ce qui favorisera la croissance économique et de fait le financement de la protection sociale.

Les dispositifs :
- Contrat d’Engagement Jeune (CEJ) : Missions locales et Pôle Emploi
- Ecole de la deuxième chance
- Apprentissage : 1 million (secondaire et supérieur)
- Ecoles de production (jeunes de 15 à 18 ans en échec scolaire formés à l’industrie) : 62 écoles en 2024
- Plan « 1 jeune, 1 solution »
- Accompagnement au sein de l’AFPA : promo « 16-18 » https://www.youtube.com/watch?v=GT89RbbXZ0c&t=3s
Contrat d’Engagement Jeune
- Un parcours entièrement personnalisé qui peut durer de 6 à 12 mois, en fonction du profil du jeune, pour l‘aider à définir son projet professionnel et à trouver un emploi.
- Le signataire du contrat bénéficie de :
- un accompagnement personnalisé avec un conseiller dédié qui le suit tout au long de son parcours et jusqu‘à ce qu’il accède à un emploi durable
- un programme intensif de 15 à 20 heures par semaine composé de différents types d‘activités
- une allocation pouvant aller jusqu‘à 553 euros par mois en fonction de ses ressources et à condition de respecter ses engagements
- Inscription automatique à France Travail depuis le 1er janvier 2025
École de la 2ème chance (E2C)
- L’E2C a pour objectif de lutter contre le décrochage scolaire. Elle propose une formation rémunérée et qualifiante pour intégrer le marché du travail
- Qui ?
- Jeunes entre 16 et 25 ans, sortis du système scolaire depuis au moins un an, avec ou sans diplôme, et sans emploi.
- Quelle formation ?
- de 4 à 18 mois
- une remise à niveau des savoirs de base (mathématiques, français, informatique)
- des apprentissages individualisés
- des stages en entreprise pour découvrir des métiers et construire un projet professionnel
- Combien ?
- en moyenne, 500 € par mois pour les plus de 18 ans ; 200€ entre 16 et 18 ans
EPIDE – Etablissement pour l’insertion dans l’emploi
L’EPIDE est un établissement public national de l’État.
Il accueille des jeunes de 17 à 25 ans, sans emploi, souvent en situation de décrochage scolaire et ne suivant pas de formation, avec des difficultés sociales
Il propose aux jeunes un accompagnement individualisé et personnalisé, global, avec la garantie d’une sortie avec un emploi ou en formation qualifiante. Une prise en charge complète, 7j/7, 24h/24. Un encadrant pour deux ou trois jeunes maximum.

EPIDE : volontaires pour l’emploi
Présentation de Jérôme BLANCHARD, Directeur des centres EPIDE de Cambrai et Saint Quentin. Coordonnateur régional pour les Hauts de France
L’EPIDE, établissement pour l’insertion dans l’emploi, est un établissement public national qui relève de 3 tutelles :
- Le Ministère des Armées
- La Ministère du Travail
- Ministère du Logement (Ville)
L’EPIDE fête ses 20 ans en 2025.
Les jeunes qui intègrent le dispositif sont tous volontaires. Il s’agit d’une offre de service à 360°. Nous accompagnons des jeunes qui se trouvent dans le dernier filet de précarité. Nous travaillons avec eux l’insertion (parcours vers l’emploi ou la formation), la mobilité, particulièrement importante en milieu rural, nous proposons un parcours citoyen (le rapport à l’autre, au devoir de mémoire, les valeurs républicaines), un parcours sportif (1 séance par jour), l’informatique et le numérique, la remise à niveau en savoirs de base.
Il existe 20 centres EPIDE en France. Je suis coordonnateur pour la région Hauts de France, qui a la particularité de compter 4 centres EPIDE. La capacité d’accueil varie de 60 à 210 personnes.
1150 agents salariés travaillent dans les centres EPIDE pour encadrer environ 3000 jeunes en simultané (1 agent encadrant pour 2,5 jeunes).
Les centres EPIDE assurent un accueil 5 jours sur 7 en internat, avec la possibilité d’être hébergé 7 jours sur 7. Leur vocation est d’accompagner les jeunes de 17 à 25 ans, en cumul de vulnérabilités, à travers un parcours d’insertion sociale et professionnelle « sur-mesure et intensif » pour accéder durablement à l’emploi en tant que citoyens engagés.
L’une des particularités de l’EPIDE est d’accueillir les jeunes dans un cadre d’inspiration militaire. La tutelle initiale de l’EPIDE est le Ministère de la Défense. A leur intégration, au sein d’une promotion, les jeunes perçoivent un paquetage, intègrent une chambre et vivent ensuite une vie de caserne : réveil à 5h45, tout le monde est levé à 6h00, petit-déjeuner à 6h20, nettoyage des espaces de travail et de vie à 6h45 – les espaces de travail des agents sont nettoyés par des prestataires. Tous les matins ont lieu un rassemblement, une montée des couleurs. Le vendredi sont hissées les grandes couleurs avec chant de la Marseillaise et mises à l’honneur liées aux activités remarquables de la semaine (insertion professionnelle, actions citoyennes). Les volontaires sont logés en internant. Les repas sont pris au réfectoire.
Ce cadre structurant est au service des jeunes. Il n’a pas pour objet d’exercer une domination.
A titre personnel, j’ai un parcours universitaire en sociologie. J’ai ensuite travaillé pendant 15 ans dans le secteur de la formation continue. Cette expérience n’a pas été sans frustrations car nous évoluions dans un cadre précaire sans disposer des moyens pour accompagner vers l’insertion, suivre réellement des personnes elles-mêmes en situation de précarité. J’ai ressenti un fort sentiment d’injustice.
L’EPIDE est la réponse à ces manquements. Il incarne la politique publique qui vise à lutter contre les phénomènes de reproduction sociale mis en lumière par le sociologue Pierre Bourdieu. L’EPIDE agit pour l’insertion de jeunes qui semblaient condamnés à la précarité sociale.
Les résultats de l’EPIDE en 2024 : 68% de taux d’insertion global. Cela signifie que près de 7 jeunes sur 10 accèdent à l’emploi durable ou à la formation qualifiante. Aucun autre dispositif n’atteint de tels résultats. Les moyens des centres EPIDE sont effectivement exceptionnels ; mais leurs résultats sont à la hauteur des moyens dont ils disposent.
Il est important d’insister sur le fait que les jeunes qui intègrent l’EPIDE sont tous volontaires. Cet aspect est essentiel dans la relation entre les jeunes et les agents. Le cadre fourni aux jeunes leur donne des repères dans une logique toujours orientée vers l’accès à l’emploi. Le sport est pratiqué comme vecteur de santé, de cohésion, de dépassement de soi et de valorisation. Le rapport à l’autre est travaillé à travers des activités dans des EHPAD par exemple (jeux de société, soins des mains), une sensibilisation aux handicaps. Le Centre de Cambrai, par exemple, suit depuis 3 ans Cécile Avio, créatrice du Festival HandiDanse. L’objectif est de donner conscience aux jeunes de la société plurielle dans laquelle ils vivent.
Un contrat entre les jeunes et l’EPIDE
Dans le contrat que les volontaires signent avec l’EPIDE, l’établissement est garant de tout ce qui leur être offert en termes d’instruction (apprendre à lire et à écrire si c’est nécessaire, d’insertion professionnelle, de mobilité (permis de conduire), de sport (apprendre à nager, à faire du vélo) ; les jeunes, de leur côté, s’engagent à s’investir et à être les premiers acteurs de leur réussite.
Quelques chiffres :
Les centres EPIDE accueillent des jeunes de 17 à 25 ans peu ou pas diplômés et/ou en voie de marginalisation, dont 30% de femmes et 32% de mineurs. Près de 40% des volontaires viennent des quartiers prioritaires de la politique de la ville (QPV) : il s’agit d’un objectif posé par la tutelle Ville. Une donnée intéressante : les jeunes issus des QPV qui passent par l’EPIDE s’insèrent aussi bien que ceux qui viennent d’ailleurs. Les centres EPIDE comptent 8% de bacheliers (le maximum étant fixé à 10%), souvent en voie de désocialisation plusieurs années après l’obtention de leur diplôme.
L’EPIDE est complémentaire et non concurrent des autres dispositifs dédiés à l’insertion des jeunes.
Avec le Contrat d’Engagement Jeune s’est mise en place une articulation des politiques publiques et des opérateurs se fait dans une logique de passerelles.

L’EPIDE fait un travail important de recrutement.
Les 3000 places doivent être attribuées aux jeunes qui sont le plus en difficulté. Des actions d’information sont menées avec les partenaires prescripteurs institutionnels (France Travail, Missions Locales, Aide Sociale à l’Enfance, CIRFA), des partenaires relais dans les quartiers (services de prévention, clubs de sport, associations de quartiers et de pieds d’immeubles), sur les réseaux sociaux …
L’EPIDE développe une approche globale au service de l’emploi durable et de la formation qualifiante :
- accompagnement sanitaire et social (infirmier.e, assistant.e social.e, ouverture des droits, accès aux soins, vaccination …)
- parcours citoyen intensif attesté
- parcours pédagogique adapté et individualisé : il s’agit d’accompagner des jeunes qui sont passés à travers les mailles du système éducatif
- insertion professionnelle : savoir-être en entreprise, accompagnement de projets professionnels, offre « L’EPIDE et vous » avec l’entreprise partie prenante de l’insertion des jeunes. Stages, emploi, présentations des métiers, ateliers Fab Lab …
L’EPIDE est collecteur de la taxe d’apprentissage.
Un parcours personnalisé
A son arrivée, chaque volontaire est évalué pour construire son parcours individualisé : connaissances de base, état de santé, sport. Le parcours de 8 mois est personnalisé et adapté en permanence dans tous les domaines. L’enjeu est de maintenir la motivation des volontaires, de prévenir ou de gérer les comportements de découragements, les comportements déviants ou de violence qui peuvent survenir.
Relations avec les riverains
A Cambrai par exemple, si on a pu constater quelques craintes au départ, aujourd’hui les habitants apprécient et approuvent la présence du centre EPIDE. Les volontaires participent régulièrement à des activités de soutien à la collectivité.
Sur l’aspect judiciaire, les jeunes ayant des antécédents peuvent intégrer l’EPIDE sauf s’il s’agit de crimes de sang, de crimes sexuels, de trafic de stupéfiants ou de pyromanie.
Cap vers l’emploi durable
L’EPIDE est très soucieux de son impact et de la transparence des ses résultats. Son conseil national scientifique a un rôle important dans ce domaine :
- Le taux d’insertion globale progresse avec le temps, passant de 68% à 75% à n+2.
- L’insertion se fait dans des secteurs d’activité très variés.
- 91% des anciens sont satisfaits ou très satisfaits de leur situation professionnelle.
Retrouvez les présentations de Cécile Delhomme de la Fondation OCIRP et de Jérôme Blanchard de l’EPIDE sur le blog du LAB OCIRP Autonomie
Retrouvez l’OCIRP sur : ocirp.fr
Cet article a été publié par la Rédaction le



