Dans un contexte de vieillissement démographique, de tension sur les ressources humaines et de transformation des attentes en matière de soin à domicile, l’intégration de l’intelligence artificielle (IA) dans les Services de Soins Infirmiers À Domicile (SSIAD) ouvre la voie à une mutation profonde. Le Tome 2 du Livre blanc publié par Arche MC2, loin d’un discours technophile ou d’un rejet de principe, propose une réflexion rigoureuse et interdisciplinaire sur les conditions éthiques d’un déploiement responsable de l’IA dans ces environnements sensibles.

- Le Livre blanc d’Arche MC2 explore les enjeux éthiques de l’IA dans les SSIAD
- L’IA au service des soins à domicile : optimisation, prédiction, personnalisation
- Vigilance sur les risques : biais algorithmiques, déshumanisation, fracture numérique
- Une méthodologie fondée sur l’éthique biomédicale et le « privacy by design »
- Vers une IA éthique « by design », co-construite avec soignants, patients et décideurs
Une approche éthique structurée et collaborative

La méthodologie adoptée repose sur une lecture enrichie des principes de l’éthique biomédicale, autonomie, bienfaisance, non-malfaisance et justice, intégrant les exigences propres aux technologies numériques : transparence, explicabilité, responsabilité partagée. Le travail, nourri par les contributions de l’UNASSI, de MINAIA et de l’OCIRP, mobilise des experts de terrain, chercheurs, juristes et professionnels du soin dans une démarche prospective.
Promesses de l’IA : bénéfices opérationnels et cliniques pour les SSIAD
L’IA peut contribuer de manière significative à l’amélioration des SSIAD :
- Optimisation des plannings et tournées
- Suivi prédictif de la santé des patients
- Aide à la décision clinique
- Automatisation de certaines tâches administratives pour libérer du temps soignant
Ces apports répondent aux enjeux de surcharge des équipes et à la nécessité d’une personnalisation plus fine des interventions.

Des principes éthiques confrontés aux réalités de terrain
1. Bienfaisance : maximiser les bénéfices tout en respectant l’individu
L’IA peut soutenir la qualité des soins, renforcer la coordination et prévenir les risques. Toutefois, l’efficacité algorithmique ne doit pas éclipser la dimension humaine du soin, ni substituer la présence soignante à une logique de performance.
2. Non-malfaisance : prévenir les dérives
Les risques d’erreurs algorithmiques, d’intrusion dans la vie privée et de déshumanisation sont bien réels. La vigilance doit porter sur les technologies de surveillance, l’usage des données et la protection du domicile comme espace d’intimité.
3. Autonomie : garantir la capacité d’agir
Le consentement éclairé est complexe dans un univers technologique opaque. Le livre blanc insiste sur des modèles adaptatifs de consentement, sur la formation des professionnels, et sur le maintien du libre arbitre face aux recommandations algorithmiques.
4. Justice : lutter contre les inégalités
L’IA ne doit pas renforcer la fracture numérique, ni introduire des biais algorithmiques pénalisant les plus vulnérables (personnes âgées, non francophones, handicapées). L’équité territoriale, sociale et cognitive est une exigence centrale.

Tensions éthiques spécifiques aux SSIAD
Le rapport met en lumière plusieurs tensions :
- Efficience vs personnalisation : planification automatisée vs besoins individuels ;
- Surveillance vs intimité : monitoring vs respect du domicile ;
- Technologie vs relation : assistance numérique vs qualité de la présence humaine ;
- Innovation vs accessibilité : territoires connectés vs zones isolées.
Ces tensions exigent une gouvernance partagée, une transparence des choix techniques et une implication active des soignants et des patients dans le design des outils.
Biais algorithmiques : une menace pour l’équité des soins

Le livre blanc consacre une analyse détaillée aux biais présents dans les systèmes d’IA : biais de représentation, de mesure, d’étiquetage, etc. Ceux-ci peuvent induire des discriminations invisibles mais systémiques. L’évaluation des algorithmes doit inclure :
- Des tests de robustesse (analyse contrefactuelle, test de sensibilité)
- L’implication des usagers et experts en éthique
- Une explicabilité adaptée au contexte du soin
Protection des données dans les SSIAD : un enjeu de souveraineté
La gestion des données de santé collectées à domicile est un enjeu éthique majeur. Le livre rappelle les exigences du RGPD (AIPD, consentement explicite, DPO) et propose une démarche « privacy by design », où la protection des données est intégrée dès la conception des dispositifs.
Cartographie et hiérarchisation des risques dans les SSIAD
Une matrice éthique croise les principes fondamentaux avec les étapes du parcours de soin (évaluation, planification, intervention, coordination). Parmi les risques critiques identifiés :
- Déshumanisation par optimisation excessive
- Exclusion numérique
- Érosion de l’autonomie des soignants
- Surveillance intrusive
Ces risques appellent des garde-fous techniques, réglementaires et organisationnels à chaque niveau du système de santé.

Vers une éthique vivante et incarnée
Le livre blanc plaide pour une éthique « by design », intégrée dès la conception des outils, et pour une responsabilité distribuée entre les concepteurs, les déployeurs et les utilisateurs. Il rappelle l’importance d’un alignement des valeurs entre :
- Le niveau micro (relation soignant-soigné)
- Le niveau méso (gouvernance des SSIAD)
- Le niveau macro (cadre réglementaire et politique)
Humanisme et innovation, une conciliation possible
L’IA ne doit ni être un gadget technologique, ni un substitut à l’humain. Elle peut devenir un outil de justice, de personnalisation et de soutien si elle est pensée avec les usagers et pour eux. Loin de figer les débats, ce livre blanc ouvre un espace de réflexion collective, appelé à se prolonger dans un troisième tome, axé sur les applications concrètes. Pour consulter le tome 1 de ce livre blanc, rendez-vous sur le site dédié.
Cet article a été publié par la Rédaction le