Vieillissement : la Cour des comptes alerte sur une bombe à retardement pour les finances publiques

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Face au vieillissement accéléré de la population, et à la chute continue de la natalité, la Cour des comptes dresse un constat sans ambiguïté : les transformations démographiques en cours vont profondément remodeler les finances publiques françaises dans les décennies à venir. Dans une synthèse publiée en décembre 2025, l’institution met en garde contre une prise en compte encore trop insuffisante de ces tendances dans la programmation budgétaire nationale. 

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  • La Cour des comptes alerte sur l’impact du vieillissement et de la baisse de natalité, qui menacent l’équilibre des finances publiques.
  • La part des plus de 65 ans progresse fortement : de 16,3 % en 2005 à 21,8 % fin 2024.
  • Les dépenses liées aux seniors (retraites, santé, dépendance) dépassent désormais 40 % des dépenses publiques.
  • Le rapport pointe le risque d’un déséquilibre accru si les tendances démographiques se poursuivent sans adaptation.
  • La Cour souligne que les enjeux du vieillissement sont très peu pris en compte dans les programmations budgétaires actuelles.
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Une “exception démographique” française qui s’estompe

Fin 2024, la France comptait 68,6 millions d’habitants, soit environ 30 millions de ménages. Mais derrière cette stabilité apparente se profile un basculement d’ampleur. La fécondité a poursuivi sa chute pour atteindre 1,62 enfant par femme en 2024, un niveau durablement inférieur au seuil de renouvellement des générations.

Parallèlement, le vieillissement s’accélère. La part des plus de 65 ans est passée de 16,3% en 2005 à 21,8% fin 2024, tandis que les moins de 20 ans reculent nettement. Pour 100 personnes en âge de travailler, on compte désormais autant de seniors que de jeunes, un basculement inédit.

Les projections confirment cette dynamique : dans son scénario central, l’Insee anticipe une population stable autour de 68 millions d’habitants en 2070 mais beaucoup plus âgée, avec près de 30% de seniors. Le ratio de dépendance des personnes âgées atteindrait entre 45 et 50% dès 2040, contre 37% en 2023.

L’Ined, dans une actualisation publiée en 2025, estime que le solde naturel deviendra durablement négatif dès 2027, un basculement par ailleurs déjà observé depuis mai 2025 selon les données provisoires, avec plus de décès que de naissances par an.

Ainsi, selon la Cour des comptes, la France suit désormais la trajectoire de ses voisins européens, où le vieillissement structurel est déjà avancé.

Vieillissement : Une pression croissante sur les recettes publiques

Le vieillissement affecte directement la croissance potentielle et, par conséquent, les recettes fiscales. La population en âge de travailler devrait passer de 55,3% de la population en 2023 à 50% en 2070. Ce recul aura des effets mécaniques sur la production et sur la base taxable, d’autant que la France souffre encore d’un sous-emploi important des seniors, expliquant près de 40% de l’écart avec l’Allemagne en matière de taux d’emploi.

Le système socio-fiscal amplifie cette tendance : les 20-39 ans consacrent en moyenne 39% de leurs revenus au financement de la protection sociale, contre seulement 25% pour les plus de 65 ans. Le vieillissement démographique modifie donc la structure des contributeurs, avec un risque de déséquilibre croissant entre ressources et dépenses

Quant à l’immigration, elle contribue à rajeunir la population active, mais son apport net aux finances publiques demeure “neutre ou légèrement négatif” selon les estimations, en raison notamment d’un taux d’emploi inférieur de 18 points à celui de la population native pour les 25-54 ans.

Des dépenses publiques inexorablement poussées à la hausse

La Cour souligne que les dépenses liées au vieillissement représentent déjà plus de 40% de l’ensemble des dépenses publiques, et qu’elles ont progressé de 11 points depuis 1998. Les retraites, la santé et la dépendance constituent les principaux moteurs de cette hausse structurelle.

À l’inverse, la baisse de la natalité allège certaines dépenses, notamment dans l’éducation primaire et secondaire, mais cet effet de contradiction ne compense pas l’expansion rapide des besoins liés aux âges élevés. Le financement de la perte d’autonomie, qui concernera massivement les générations du baby-boom à partir de la fin des années 2020, est identifié comme l’un des enjeux les plus incertains et les plus lourds financièrement.  

Selon une modélisation présentée dans le rapport, si les dépenses par âge restaient constantes, le ratio de dépenses publiques pourrait grimper à 60,8% du PIB en 2070, équivalent au pic atteint pendant la crise sanitaire. Inversement, maintenir ce ratio constant à 57% nécessiterait de réduire les dépenses par habitant de 6,1% d’ici 2070.

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Un programme budgétaire “aveugle” aux enjeux du vieillissement

L’un des constats les plus saisissants du rapport concerne l’absence quasi-totale de prise en compte de la démographie dans les documents budgétaires pluriannuels. Les termes liés à cet enjeu ne représentent que 0,05% des occurrences dans les rapports annexés aux lois de programmation et dans les programmes de stabilités adressés à l’Europe.

Pour la Cour des comptes, cette omission fragilise la soutenabilité de la trajectoire financière du pays : elle peut conduire à des prévisions trop optimistes, retarder des réformes nécessaires et nuire à la visibilité pour les acteurs économiques.

Trois faiblesses structurelles pointées du doigt

La Cour des comptes identifie trois lacunes majeures

  1. Une gouvernance éclatée, incapable d’aborder la démographie de façon globale et coordonnée.
  2. Des outils statistiques insuffisants, notamment en matière de comptes distribués par page et de projections actualisées.
  3. Des catégories d’analyse obsolètes, qui ne reflètent plus la réalité d’une vie active qui s’allonge et d’une population de 60-70 ans de plus en plus présente sur le marché du travail.

Un appel à anticiper le vieillissement avant qu’il ne soit trop tard

Pour la Cour des comptes, la France conserve des atouts : fécondité encore relativement élevée, structure d’âge moins dégradée que chez ses voisins européens, mais ceux-ci s’érodent rapidement. Sans anticipation, prévient-elle, l’inaction “ne fera que reporter et amplifier les ajustements nécessairespour préserver la soutenabilité des finances publiques.

Télécharger le rapport complet « Démographie et finances publiques » de la Cour de comptes


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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