Alors que la France fait face à un double défi démographique (vieillissement accéléré de la population et baisse du taux de natalité), le rôle et la place des travailleurs issus de l’immigration dans le domaine des services à la personne devient plus crucial que jamais. Selon les données croisées de l’INSEE, du ministère du Travail, du Think Tank Terra Nova et de la FESP, un constat s’impose : sans les immigrés, ce secteur vital serait au bord du gouffre.

- 800 000 postes à pourvoir d’ici 2040 : le vieillissement accéléré de la population crée une pénurie massive dans les services à la personne, déjà sous tension avec 150 000 postes vacants.
- Les travailleurs immigrés en première ligne : ils représentent 25% des effectifs, jusqu’à 61% dans certaines zones, et sont devenus indispensables pour le maintien à domicile et les services d’aide.
- Appel à une immigration ciblée : Terra Nova recommande l’accueil de 250 000 à 310 000 immigrés par an pour soutenir les secteurs en tension, notamment celui du grand âge.
- Régulariser les travailleurs déjà actifs : la FESP plaide pour la régularisation de 3 000 à 5 000 sans-papiers employés, soulignant leur intégration de fait dans le tissu économique.
- Accepter une réalité incontournable : pour préserver la solidarité nationale et notre modèle social, l’immigration de travail doit être pensée comme une solution, non comme un problème.
Une demande explosive due au vieillissement de la population
À l’horizon 2040, la France devra répondre à un besoin massif de main-d’œuvre dans les métiers de l’aide à la personne. D’après Brice Alzon, président de la FESP, ce sont plus de 800 000 postes supplémentaires qui devront être pourvus d’ici cette date. Une pénurie déjà palpable aujourd’hui, avec 150 000 postes vacances répartis entre la petite enfance, l’aide aux personnes âgées et les services comme le ménage ou le jardinage. Cette situation est vouée à s’aggraver avec l’arrivée à l’âge de la dépendance des générations du baby-boom.

Terra Nova dans une récente étude souligne que cette pression sur les services à la personne résulte d’un déséquilibre naturel : le ratio entre actifs et inactifs ne cesse de chuter, affaiblissant la capacité du pays à maintenir son modèle social sans apport extérieur.
NDLR : Terra Nova est une association française se définissant comme un laboratoire d’idées, fondée en février 2008 par Olivier Ferrand. Proche du centre gauche, elle se veut progressiste et indépendante.
Une dépendance structurelle aux travailleurs issus de l’immigration
Face à cette pénurie, les immigrés constituent une part décisive de la main-d’œuvre. Dans les services à la personne, ils représentent déjà 25% des effectifs selon la FESP. Dans certaines régions comme l’Île-de-France, cette proportion monte à 34% chez les employés de maison et 61% des aides à domicile sont des personnes immigrées.
Les chiffres du ministère du Travail, obtenus par “Cash Investigation” en 2024, montrent que les étrangers hors Union Européenne sont surreprésentés dans les secteurs en tension, notamment le BTP, l’hôtellerie-restauration et les services à la personne. Ils ne représentent que 5,4% de la population active globale, mais deviennent indispensables dans ces niches professionnelles.
Interview de Brice ALZON – Cash Investigation
Une solution nécessaire : immigration de travail et régularisation
Pour faire face à cette situation, Terra Nova plaide pour une poursuite maîtrisée de l’immigration économique, recommandant l’accueil de 250 000 à 310 000 immigrés par an pour maintenir l’équilibre du système social d’ici 2050. Cette proposition ne vise pas à élargir l’immigration de manière indiscriminée, mais à orienter les flux vers les secteurs en tension comme les services à la personne.
Brice Alzon se montre également favorable à une régularisation ciblée : selon lui : 3 000 à 5000 travailleurs sans papiers exercent déjà dans ce secteur, avec des fiches de paie et impôts à l’appui : “Je trouve anormal que ces personnes-là ne soient pas régularisées. » affirme-t-il, soulignant une dissonance entre la réalité du terrain et les politiques migratoires en vigueur.

Vers une acceptabilité sociale indispensable des travailleurs immigrés
Malgré les chiffres, l’opinion publique reste divisée. Selon un sondage CSA, près d’un Français sur deux est favorable à l’immigration zéro. Terra Nova reconnaît cette tension, mais insiste sur l’urgence d’accompagner le débat public avec transparence, pour faire accepter l’idée que l’immigration est non seulement une solution, mais aussi et surtout une nécessité pour faire face aux défis sociaux et démographiques des prochaines décennies.
Le secteur des services à la personne, déjà sous tension, ne pourra pas survivre sans l’apport croissant des travailleurs immigrés. La pénurie de main-d’œuvre, amplifiée par le vieillissement de la population, impose une réponse claire : intégrer pleinement les immigrés à notre modèle économique et social, et reconnaître leur contribution à la dignité et au bien-être des plus vulnérables.
Retarder cette prise de conscience serait un pari risqué pour l’avenir de la solidarité en France.
Télécharger l’étude complète de Terra Nova « Les travailleurs immigrés : avec ou sans eux? »
Cet article a été publié par la Rédaction le