La publication récente au Journal officiel de la nouvelle liste des métiers en tension, en application de la loi immigration du 26 janvier 2024, marque un tournant attendu par de nombreux secteurs en crise de recrutement, notamment celui de l’aide à domicile. Cette liste, qui permet la régularisation des travailleurs étrangers en situation irrégulière, recense près de 80 professions confrontées à des pénuries chroniques de main-d’œuvre et ce, région par région. L’aide à domicile figure désormais comme métier en tension dans toutes les régions, signe d’un besoin généralisé, structurel et désormais officiellement reconnu.

- Le métier d’aide à domicile est officiellement classé “en tension” dans toutes les régions, permettant la régularisation de travailleurs étrangers selon la loi immigration 2024.
- Une mesure saluée mais jugée temporaire, car elle ne résout pas les causes structurelles de la pénurie : attractivité en berne, salaires bas, manque de reconnaissance.
- Le secteur fait face à une crise de recrutement massive, avec 60 000 postes non pourvus aujourd’hui selon l’UNA et 800 000 nécessaires d’ici 2040 selon la FESP.
- Les financements publics sont jugés insuffisants, freinant toute réelle revalorisation salariale et accentuant le reste à charge pour les bénéficiaires.
- Les professionnels appellent à une réforme structurelle, fondée sur la revalorisation du métier, le soutien budgétaire et des perspectives claires pour les intervenants à domicile.

Un levier de régularisation pour un secteur à bout de souffle
Le métier d’aide à domicile et aide ménagère (code FAP T2A60) est expressément mentionné comme métier en tension dans chaque territoire de métropole dans la liste. Ce classement offre la possibilité, pour les employeurs, de faire régulariser des travailleurs étrangers ayant justifié de 12 mois de bulletins de salaire sur les 24 derniers mois et d’une résidence de trois ans en France. Ce dispositif est en vigueur jusqu’à fin 2026.
Cette reconnaissance légale est saluée par Vincent Vincentelli, directeur des politiques publiques de l’UNA (Union nationale de l’aide, des soins et des services aux domiciles), lors d’une intervention sur France Info. Il y voit une « reconnaissance d’une réalité”, tout en la qualifiant de mesure d’urgence, pas de solution durable.

Secteur des services à la personne et de l’aide à domicile : une attractivité en berne
La question centrale soulevée par les professionnels du secteur reste celle de l’attractivité. Nicolas Hurtiger, Président de Synerpa Domicile et cofondateur du Groupe Zephyr, lors d’une table ronde durant le Festival SilverEco 2024, alertait sur la perte d’attractivité des professions liées au soin et à l’accompagnement. Cette situation résulte de plusieurs facteurs, notamment le vieillissement de la population, les conséquences de la crise sanitaire, ainsi que les attentes croissantes des professionnels du secteur.
Malgré la reconnaissance officielle de cette tension dans le secteur des métiers du care, les conditions de travail, les rémunérations faibles, l’absence de valorisation sociale et le manque de perspective de carrière continuent de dissuader les vocations. Le recours aux travailleurs sans papiers dans ce contexte ne relève donc pas d’un choix, mais d’une nécessité face au manque de solutions alternatives.

En effet, les personnes âgées ou en situation de handicap, bénéficiaires de ces services, se retrouvent bien trop souvent sans solution d’accompagnement du fait de cette crise de recrutement. Le problème est structurel : près de 60 000 postes sont actuellement non pourvus (selon l’UNA), et d’ici 2040, le secteur aura besoin de 800 000 postes supplémentaires (selon la FESP), en grande partie pour compenser les départs à la retraite.
Des financements publics insuffisants pour le secteur
L’autre verrou majeur dénoncé par l’UNA (sur franceinfo), réside dans le financement du secteur. En théorie, les salaires devraient être couverts par des allocations à charge des départements, mais ceux-ci sont en grande difficulté budgétaire. Résultat : l’augmentation des salaires reste rare et le reste à charge pour les bénéficiaires augmente, ce qui entraîne des renoncements aux droits.
Les associations des acteurs du secteur appellent régulièrement à une meilleure considération budgétaire de la part de l’État, qui, via des coupes ou gels budgétaires, fragilise un secteur déjà mis à mal par la conjoncture actuelle.

Et maintenant ?
Si cette publication peut sécuriser temporairement la situation de milliers de professionnels étrangers et permettre à des employeurs d’éviter des sanctions pénales, elle doit impérativement s’inscrire dans un plan plus large de revalorisation du métier : hausse des salaires, reconnaissance statutaire, développement des formations et soutien budgétaire renforcé par les collectivités.
Le secteur de l’aide à domicile, en première ligne face au vieillissement de la population, ne pourra pas se contenter de rustines administratives. Il appelle à une réforme structurelle ambitieuse, où la reconnaissance des besoins humains prime sur les arbitrages politiques de court terme. La sortie de cette liste ne sera possible que lorsque le métier redeviendra attractif par lui-même, loin des préjugés qui lui incombent.
Ainsi, la publication de cette liste constitue un pas important mais pas suffisant. L’État est désormais face à une double exigence : assurer la dignité des professionnels de l’aide à domicile et garantir à tous les citoyens un accompagnement à domicile de qualité.
Consulter la liste des métiers en tension.
Cet article a été publié par la Rédaction le