11 millions d’aidants, un système à repenser : l’appel de Silver Valley

AUTRES ACTUS ET INFORMATIONS SUR : AIDANTS & AIDE AUX AIDANTS

Partager cet article

Ils sont entre 8 et 11 millions en France. Des conjoints, enfants, amis, collègues qui, chaque jour, accompagnent un proche âgé, malade ou handicapé. Près d’un Français sur six. Et pourtant, ces « aidants » restent les grands oubliés des politiques publiques. Un paradoxe qu’explore le Livre blanc “Innover (vraiment) pour les aidants”, publié par Silver Valley, réseau francilien d’innovation autour du vieillissement. L’étude révèle les fractures d’un système à bout de souffle et les promesses d’un nouvel écosystème porté par des entrepreneurs de terrain.

livre blanc silver valley
  • Silver Valley publie le Livre blanc « Innover (vraiment) pour les aidants », révélant les fractures d’un système inadapté.
  • En France, 8 à 11 millions d’aidants accompagnent un proche âgé, malade ou handicapé, souvent sans reconnaissance officielle.
  • Le rapport dénonce une offre institutionnelle éclatée et trop médicalisée, éloignée des besoins réels du terrain.
  • De nouveaux acteurs misent sur le design thinking et le numérique humanisé pour simplifier la vie des aidants.
  • Silver Valley appelle à une révolution de l’aidance, centrée sur la dignité, la cohabitation et l’innovation sociale.
Silver Valley aidants

Des millions d’aidants mais une population invisible

Au-delà des chiffres se cache une réalité déroutante : malgré leur poids démographique, les aidants restent difficiles à identifier. La cause ? Un rejet profond du mot lui-même. 

Jeanne Priso, cofondatrice de Teelda (spécialiste de séjours adaptés). aidants

Aidant, c’est un mot que personne n’aime. Mais on est obligés de l’utiliser, comme un mot repère » (…) « Les gens qui nous appellent se présentent comme conjoints, enfants, parents… pas comme ‘aidants’. Ils veulent être reconnus dans leur lien.

Jeanne Priso, cofondatrice de Teelda (spécialiste de séjours adaptés).

Ce rejet n’est pas anodin : il traduit une volonté farouche de préserver une identité sociale et familiale. “Ils ne veulent pas être rangés dans la catégorie ‘les aidants’ ou ‘les aidés’. Ils veulent rester médecins, coiffeurs, enseignants, comme avant. » insiste Gladys Priso, associée de Jeanne Priso. Cette invisibilité volontaire entraîne un effet pervers : 80% des aidants n’informent jamais leur employeur de leur situation, selon la société Temeio. Résultat : leurs besoins restent ignorés, et l’offre institutionnelle peine à s’adapter.

aidants charge mentale

Aidants : Une charge mentale colossale, des outils inadaptés

Le livre blanc décrit des vies en apnées. Le vrai fardeau des aidants, c’est la coordination, explique Julie Deshayes, présidente de YesHome, qui a mené des dizaines d’entretiens. Loin de l’image héroïque, l’aidant jongle avec des démarches administratives kafkaïennes : formulaires, devis, aides financières, intervenants multiples… Ce qui ressort c’est « le manque total de méthode : certains utilisaient des post-it, d’autres Excel ou WhatsApp. » remarque Michel Guez (Famirelay).

Cette désorganisation fragilise la santé physique et mentale : 32% des aidants quotidiens estiment que leur santé est altérée (DRESS 2023). Et quand l’épuisement menace, les réponses proposées sont souvent déconnectées de la réalité du vécu : séjours de répit médicalisés, dispositifs éclatés, sigles incompréhensibles.

Une offre institutionnelle en décalage avec les usages des aidants

L’une des principales critiques du Livre blanc vise la médicalisation excessive du répit. 

Gladys Priso, cofondatrice de Teelda

Jusqu’à récemment, l’approche institutionnelle, c’était : séparer l’aidant de l’aidé. Or, sur le terrain, les gens veulent vivre ensemble, continuer à vivre leur lien, même pendant les vacances.

Gladys Priso, cofondatrice de Teelda

Les entrepreneurs interrogés dénoncent aussi l’éparpillement des dispositifs publics : plus de 50 sigles pour désigner aides et structures (APA, CLIC, ARS, MDPH…). “Il manque le ‘Bon coin des aidants‘, le ‘Petit furet des aidants’”, résume Marylise Jacottin (Temeio). Résultat : chaque famille se retrouve seule dans un parcours du combattant administratif.

administratif aidants

Une demande solvable mais mal orientée

Autre constat du Livre blanc : la solvabilité des aidants existe, mais elle reste mal exploitée. De nombreux foyers, non éligibles aux aides publiques mais disposant d’un certain pouvoir d’achat, cherchent des solutions pratiques et dignes

Cette “classe moyenne de l’aidance”, solvable mais non accompagnée, constitue le terreau d’un marché émergent, où se mêlent innovation sociale et économie du lien.

De l’institution au design thinking : repenser l’accompagnement des aidants

Les acteurs cités dans le Livre blanc (Payelo, Mamili, Zenior, Yes Home…) ont un point commun : ils appliquent les méthodes du design thinking à la vulnérabilité. Plutôt que de partir des contraintes institutionnelles, ils observent les usages réels

« On a interrogé près de 1000 personnes âgées, fait des micro-trottoirs, testé des prototypes en résidence« , raconte Louise Pernici de Stories Équipements. D’autres misent sur la simplicité : interfaces inspirées de Whatsapp, factures uniques, outils vocaux pour les auxiliaires de vie. Le numérique devient ici un levier d’humanisation, non de déshumanisation.

Et tous partagent une philosophie : concevoir “comme tout le monde mais adapté”, refuser la stigmatisation, préserver la dignité et l’émotion.

dignité émotion aidants

Vers un nouvel écosystème de l’accompagnement 

Au fil du rapport de Silver Valley, une conviction s’impose : la révolution de l’aidance viendra du terrain, pas des décrets. Ces entrepreneurs réinventent les codes du médico-social : une approche intégrée plutôt que sectorisée, un vocabulaire positif, une hybridation du numérique et de l’humain.

Ils esquissent aussi une nouvelle économie : celle du care management, du service modulaire et de la personnalisation industrialisée. Certains mesurent déjà leur impact : les salariés accompagnés par Prev&Care ont gagné 5 heures de temps de travail par semaine en moyenne.

Vers une nouvelle génération de services aux aidants

Le Livre blanc de Silver Valley tire une conclusion claire : l’aidance est le coeur invisible du bien vieillir. Sa reconnaissance conditionne l’équilibre du modèle social français, face au vieillissement démographique. Mais plus qu’une politique, c’est une culture de l’attention et de la relation qu’il faut inventer.

« Et si, au lieu de catégoriser les aidants, on les écoutait vraiment ? », interroge le rapport. Une question simple, mais qui pourrait bien transformer notre société.

Télécharger le Livre Blanc de Silver Valley « Innover (vraiment) pour les aidants »


Partager cet article

Cet article a été publié par la Rédaction le

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *