Discours de Roselyne Bachelot à l’ouverture de la sixième conférence annuelle sur la dépendance

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Roselyne Bachelot a ouvert la sixième conférence annuelle sur la dépendance organisée par Lesechos. La ministre des solidarités et de la cohésion sociale a rappelé les enjeux et les problématiques du débat sur la dépendance et la mise en place d’un cinquième risque. Elle a dressé un état de lieu de ce qui a été fait et de ce qui est mis en place par le gouvernement pour parvenir à une réponse en juin prochain.

Mesdames, Messieurs,

Une nouvelle fois, me voici, avec un grand plaisir, à l’une des remarquables conférences organisées par Les Echos, pour évoquer la prochaine réforme de la dépendance.
Confrontés, dans vos fonctions respectives, aux situations de perte d’autonomie, vous connaissez mieux que quiconque les enjeux de cette réforme indispensable.
Ces enjeux sont d’abord et surtout humains, sociaux et éthiques. L’organisation d’un déjeuner-débat, ce midi, autour du sociologue Serge Guérin le prouve amplement : la question de la prise en charge de la dépendance ne saurait se réduire à ses seuls aspects financiers.
Quelle place voulons-nous accorder aux personnes âgées dans notre société ?Quel lien souhaitons-nous promouvoir entre les générations ? Comment faire vivre nos valeurs de solidarité, de fraternité et de respect ?
Telles sont les interrogations que soulève, dans notre pays comme ailleurs, le défi du vieillissement.
Cependant, nous ne pouvons pas ignorer les enjeux financiers de la prise en charge de la dépendance.
Nous devons, en effet, répondre aux difficultés rencontrées par les familles, qui doivent faire face à un reste à charge qui peut être important, notamment en établissement et pour les personnes les plus dépendantes.
Et nous devons apporter des solutions aux départements, et en particulier aux départements les plus pauvres, ceux qui disposent des recettes fiscales les moins dynamiques et sur lesquels, dans le même temps, pèsent les charges les plus importantes.
Si je devais répondre à la question « Pourquoi cette réforme ? », je répondrais donc doublement :
– parce qu’il est primordial d’apporter, pour aujourd’hui et pour demain, des réponses concrètes aux difficultés pratiques, psychologiques, affectives et financières rencontrées par les personnes âgées dépendantes et par leur proches. Cet impératif sera encore plus prégnant à l’avenir, du fait du vieillissement de la population et de l’augmentation de la prévalence des maladies associées le plus souvent au grand âge ;
– et parce qu’il est important, pour notre société, de définir son projet collectif et d’en interroger le fondement et le sens.
Allier actions concrètes et valeurs intangibles, pragmatisme et hauteur de vue : c’est, je crois, non seulement souhaitable, mais possible.
Avec le débat national sur la dépendance, c’est ce à quoi le Président de la République nous invite.
Après s’être demandé « pourquoi la réforme ? », il paraît tout aussi légitime de se poser la question du « comment ? « .
Il me semble important de le préciser d’emblée : l’organisation du débat est tout entière déterminée par une logique participative.
Réfléchir à la prise en charge des personnes âgées dépendantes, à ses forces et à ses faiblesses, c’est avoir le sentiment, ferme et légitime, que chacun peut contribuer à faire progresser notre système. Que chacun peut et doit faire entendre sa voix.
La participation éclairée de tous ceux qui le souhaitent au débat est, à mes yeux, une priorité.
Bien sûr, les experts, les élus, les professionnels, les représentants d’associations ou de syndicats contribueront à enrichir notre réflexion de leur expérience et de leur pratique.
J’ai d’ores et déjà reçu, avec Marie-Anne Montchamp, les principaux responsables politiques, représentants syndicaux, membres de fédérations et associations du secteur médico-social, ainsi que les représentants des principaux cultes et courants de pensée.
Ils ont pu exprimer, en toute franchise et en toute transparence, leurs besoins et leurs attentes. J’y ai été très attentive, car c’est comme cela que je conçois nos politiques publiques : des politiques pragmatiques, nées du dialogue et de l’écoute, et adaptées aux réalités de notre territoire.
Par ailleurs, j’ai installé, en janvier, 4 groupes de travail, destinés à dresser un état des lieux de la situation actuelle et à établir des propositions.
Leurs travaux avancent bien. Je rencontre de façon régulière les modérateurs de ces groupes, Annick Morel, Evelyne Ratte, Jean-Michel Charpin et Bertrand Fragonard. Je connais donc parfaitement leur forte implication, ainsi que celle de tous les membres. Les comptes-rendus de leurs travaux seront mis en ligne, pour que tous ceux qui le souhaitent puissent en prendre connaissance.
Aux côtés des experts, ce sont aussi les citoyens dans leur ensemble qui sont invités à prendre part au débat.
Dès le 18 avril, et jusqu’au mois de juin, se tiendront les débats régionaux. Le premier d’entre eux aura lieu – à ma plus grande joie ! – dans les Pays-de-la-Loire, chez moi, à Angers.
Véritables rencontres citoyennes, ils permettront à nos concitoyens, partout en France, de s’emparer de la réflexion, d’écouter et d’échanger sur cette question majeure qui nous concerne tous.
Auront lieu également 4 colloques interrégionaux sur les thématiques abordées dans les groupes de travail. Ils seront précédés de la mise en place de « groupes de parole » de citoyens.
Un site Internet dédié au débat national a, enfin, été lancé (www.dependance.gouv.fr). Nous avons déjà reçu des contributions, qui démontrent que la question de la dépendance parle autant au cœur qu’à la raison. S’appuyant, la plupart du temps, sur des expériences personnelles, les participants n’hésitent pas à mettre en avant leurs préférences et leurs propositions, comme une plus grande reconnaissance du rôle des aidants.
Je vous invite résolument à l’enrichir de vos propres contributions. Venant de vous, ce seront forcément des contributions de qualité.
Vous le voyez : le travail est donc lancé, et les prochaines semaines seront encore plus déterminantes.
Il me serait bien impossible, alors que le débat commence tout juste, d’évoquer avec vous telle ou telle réponse aux questions que nous nous posons.
En revanche, j’aimerais vous livrer ce que je retiens, à ce stade, de la réflexion engagée.
Je préciserai d’abord que j’ai voulu m’intéresser à ce qui se passe ailleurs, dans d’autres pays.
Nous ne sommes pas les seuls concernés par un accroissement du nombre de personnes dépendantes. Le conseil d’analyse stratégique a ainsi été missionné sur ce sujet : il devra rendre compte des différents systèmes mis en place dans les pays développés, et nous aider à identifier les bonnes pratiques.
Moi-même, j’essaie d’identifier les pratiques différentes, en essayant de discerner ce qui pourrait également fonctionner chez nous.
Je pars tout à l’heure en Suède. Avant de rencontrer mon homologue Maria Larsson, je dois y étudier, avec les représentants des communes et des régions, la gouvernance très décentralisée de la dépendance dans ce pays, couplée à un financement assuré, à titre principal, par les communes. La gouvernance est l’un des sujets d’étude des groupes de travail, et je pense que nous avons tout intérêt à faire l’inventaire de ce qui existe.
J’étais également, le mois dernier, en Allemagne, pour y évoquer notamment la question financière. Celle-ci se posera avec encore plus d’acuité que chez nous, en raison d’une pyramide des âges plus défavorable.
Il est, à ce titre, intéressant de voir comment les Allemands réfléchissent à des alternatives à la branche dépendance qu’ils ont mise en place, et pour laquelle ils ont été obligés de réévaluer la contribution sur les salaires et les retraites qui la financent en partie.
Une chose est frappante en tout cas : lorsque je compare les standards de qualité, en France, avec ce que je peux voir dans d’autres pays, je constate que nous n’avons pas à rougir.
De fait, nous ne partons pas de rien, à la fois en termes de prise en charge financière et d’accueil et d’accompagnement des personnes âgées.
Cette année, 25 milliards d’euros seront ainsi mobilisés, et notre pays peut s’enorgueillir d’une palette d’offres et de structures permettant une prise en charge diversifiée.
Si les pistes évoquées sont et seront multiples, les principes qui doivent guider notre réflexion font l’objet d’un large consensus.
Premier principe : le libre choix, pour les familles et pour les personnes en perte d’autonomie, entre le maintien à domicile et la prise en charge par des structures adaptées à leurs besoins.
Ce principe entraîne, bien sûr, un certain nombre de questions, qui ne manqueront pas d’être abordées au cours du débat. Par exemple : comment favoriser le maintien à domicile, que la très grande majorité d’entre nous veut privilégier ?
Deuxième principe : la qualité des prises en charge.
La diversité des offres de soins et de structures, la double exigence de proximité des prises en charge, au plus près des besoins, et d’équitéde traitement sur tout le territoire, sont au cœur des réflexions.
Le rôle, précieux, des aidants ressort tout particulièrement de mes différentes consultations.
Alors qu’avant-hier nous célébrions la journée de la femme, je crois important de rappeler que, sur les 4 millions d’aidants dans notre pays, la majorité sont des femmes.
Tout en étant particulièrement investies dans leur rôle d’aidantes, ces femmes souhaitent – et c’est bien légitime ! – avoir du temps pour elles, pour leur travail ou pour leur couple. Elles veulent se sentir, à leur tout, épaulées, soutenues, reconnues.
Leur vie ne doit certainement pas être mise entre parenthèses.
La réforme de la dépendance sera donc aussi pour elles, pour préserver leur santé, leur vie familiale et leur vie professionnelle.
Enfin, dernier principe qui doit guider la réflexion : la responsabilité quant au financement. Le Président de la République a très clairement énoncé qu’il refusait la voie du déficit et de l’endettement.
Il a également écarté une autre voie : celle qui consisterait à taxer davantage le travail.
Pour le reste,le débat est ouvert. Des pistes de financement sont évoquées, dont la prévoyance individuelle.
Le choix de souscrire une assurance a déjà été fait par 5 millions de nos concitoyens. Devons-nous encourager un développement plus important de ce marché ? Dans quel but ? Il s’agit là de questions qui devront être tranchées.
De mes différents entretiens, je retiens en tout cas que le recours à des contrats d’assurance n’est, pour beaucoup de mes interlocuteurs, ni un sujet tabou ni une piste écartée d’emblée. A condition que les contrats proposés offrent des garanties suffisantes en termes de lisibilité et que ce recours ne corresponde pas à un désengagement des pouvoirs publics, ce qui, bien sûr, n’est pas le cas.
Toute la journée, vous allez vous-mêmes échanger, débattre, argumenter.
C’est évidemment primordial, car c’est des discussions approfondies comme celle-ci que naîtront des décisions responsables et partagées.
Le futur n’est pas un endroit où l’on se rend : c’est un avenir que l’on construit, et que l’on doit construire ensemble.
C’est ensemble que nous bâtirons les projets les plus pertinents, les projets qui font sens et apportent des réponses concrètes à nos concitoyens.
Lorsque la solidarité et la dignité humaine sont en jeu, ce devoir est d’autant plus impérieux.

source : solidarité.gouv.fr


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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