Face à une crise démographique aiguë et à un taux de pauvreté élevé chez les seniors, la Croatie explore des solutions innovantes. À Samobor, petite ville située à une vingtaine de kilomètres de Zagreb, une initiative inédite a vu le jour : rémunérer les grands-parents qui gardent leurs petits-enfants faute de place en crèche. Ce dispositif original, lancé fin mars 2025, vise à répondre simultanément à deux enjeux majeurs que connaît le pays : le manque de modes de garde et la précarité des personnes âgées.
- À Samobor (Croatie), les grands-parents qui gardent leurs petits-enfants sont rémunérés 360 €/mois pour pallier le manque de places en crèche.
- L’initiative répond à une double crise : pénurie de modes de garde et pauvreté des seniors (37 % vivent sous le seuil de pauvreté).
- Inspirée de la Suède, la mesure renforce les liens familiaux et apporte un soutien financier précieux aux aînés.
- Le dispositif attire déjà une trentaine de familles et suscite l’intérêt d’autres communes croates.
- Ce modèle solidaire pourrait devenir un levier national face au déclin démographique du pays.
Un double défi : garde d’enfants limitée et pauvreté des seniors
En Croatie, pays de 3,8 millions d’habitants, les enfants ne débutent l’école qu’à l’âge de six ans. Entre temps, les places en crèche restent insuffisantes : plusieurs milliers d’enfants ne trouvent pas de solution d’accueil chaque année, notamment dans les grandes villes comme Zagreb. Parallèlement, en 2024, plus de 37 % des personnes âgées de plus de 65 ans vivaient sous le seuil de pauvreté, soit deux fois plus que la moyenne européenne.
Dans ce contexte, la ville de Samobor est devenue pionnière en proposant une rémunération mensuelle aux grands-parents qui assurent la garde de leurs petits-enfants de moins de quatre ans, en l’absence de place en crèche publique.
Une mesure inspirée du modèle suédois
L’initiative est portée par la maire de Samobor, Petra Skrobot, élue du parti libéral Fokus. Elle s’est inspirée d’un programme similaire en vigueur en Suède. « Les avantages sont multiples », explique-t-elle à l’AFP. « Les retraites sont assez basses, et pour les parents, il est parfois difficile de trouver un mode de garde. »
La municipalité verse une aide de 360 euros par mois et par enfant, un montant déjà alloué aux autres modes de garde comme les jardins d’enfants privés ou les assistantes maternelles. Désormais, ce soutien financier s’applique également aux grands-parents, considérés comme un maillon essentiel de la solidarité intergénérationnelle.
Une solution qui renforce les liens avec les grands-parents
Depuis la mise en place du dispositif, près de 30 grands-parents ont déposé leur candidature. Parmi eux, Dubravka Koletic, 60 ans, garde son petit-fils Viktor, âgé de 18 mois. Elle se réjouit de cette mesure : « On gagne quelques euros, ce qui est bien car nos retraites sont basses, et on passe beaucoup de temps avec nos petits-enfants. » Elle souligne également l’importance du lien renforcé avec Viktor : « On se rapproche d’eux, et eux de nous. »
Sa fille, Danijela Koletic, économiste de 41 ans et mère de trois enfants, n’avait pas trouvé de place en crèche pour son plus jeune fils. Pour elle, l’arrangement est idéal : « C’est plus facile de laisser un petit enfant à quelqu’un en qui on a confiance, et en même temps Viktor et sa grand-mère sont de plus en plus proches. »
Une réponse à une pression locale grandissante
Samobor, qui compte environ 37 000 habitants, accueille de plus en plus de jeunes familles attirées par la proximité avec la capitale et un cadre de vie plus paisible. Cette dynamique démographique a même conduit à l’ouverture d’une nouvelle classe en école maternelle l’an dernier. Pourtant, plus de 100 enfants, principalement les plus jeunes, n’ont pas pu être accueillis dans les structures existantes.
Josipa Milakovic, directrice du jardin d’enfants Grigor Vitez, voit dans la mesure municipale une « main tendue aux parents » et un soutien concret à l’échelle locale. (propos recueillis sur l’éditiondusoir)
Un enjeu démographique pour la Croatie
L’initiative de Samobor s’inscrit dans un contexte national préoccupant. La Croatie, membre de l’Union européenne, fait face à un déclin démographique marqué. Avec un taux de fécondité de 1,5 enfant par femme et une émigration persistante, la population du pays pourrait chuter de 3,8 millions aujourd’hui à seulement 2,5 millions d’habitants d’ici 2100, selon les projections des Nations unies.
Lancé fin mars 2025, ce programme suscite déjà l’intérêt d’élus d’autres communes croates, désireux d’en comprendre les modalités. La maire Petra Skrobot a été contactée à plusieurs reprises pour partager son expérience.
Un modèle de solidarité familiale
En intégrant les grands-parents au système de garde d’enfants via une compensation financière, Samobor propose une réponse humaine et pragmatique à un défi complexe. Ce modèle renforce les liens intergénérationnels, lutte contre l’isolement des aînés et offre une alternative concrète pour les familles dépourvues de solutions de garde. Une expérimentation locale qui pourrait bien faire école à l’échelle du pays.
Cet article a été publié par la Rédaction le