Les acteurs de la Silver Economie saluent avec réserve les propos d’Emmanuel Macron

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Suite à l’interview d’Emmanuel Macron par Edwy Plenel et Jean-Jacques Bourdin, diffusée sur Médiapart et BFM TV dimanche 15 avril 2018 (vidéo en bas de page), des professionnels de la Silver Economie réagissent.

Pendant les presque 3 heures qu’a duré son interview, Emmanuel Macron s’est exprimé sur les retraités et surtout sur l’avenir des établissements et services pour personnes âgées. Des propos qui ne sont pas passés inaperçus parmi les acteurs de l’économie du bien-vieillir.

Les propos d’Emmanuel Macron salués par les professionnels

La Fédération Nationale Avenir et Qualité de vie des Personnes Âgées (FNAQPA), l’Association des Directeurs au service des Personnes Âgées (AD-PA) et la Fédération Nationale des Associations de Directeurs d’Etablissements et de services pour Personnes Âgées (FNADEPA) se félicitent qu’Emmanuel Macron ait pris la mesure des enjeux du secteur et qu’il se soit engagé à le doter de financements pérennes pour une présentation fin 2018 / début 2019.

Benoit Goblot, Président du Syndicat national pour la Silver Economie, déclare : « Il y a trois bonnes nouvelles dans ce qu’a déclaré Emmanuel Macron. La première est la prise de conscience de l’enjeu du vieillissement, la deuxième est qu’on a le temps de réfléchir et de se positionner sur le sujet, et la troisième est qu’on reparle du cinquième risque, celui de la dépendance. »

Du côté de la Fédération du service aux particuliers (FESP), Olivier Peraldi, Directeur Général, assure être : « tout à fait satisfait qu’Emmanuel Macron fasse de la dépendance un vrai sujet. Cela fait longtemps qu’on le demande, c’était important que le Président s’exprime sur ce sujet majeur. »

Interview Macron Plenel Bourdin
Crédit : Impression écran BFM TV

Une deuxième journée de solidarité jugée loin d’être suffisante

Pour l’AD-PA comme pour la FNADEPA, la mise en place d’une deuxième journée de solidarité non payée est une piste intéressante. Ils soulignent toutefois, en accord avec la FNAQPA, que cela sera loin d’être suffisant pour permettre un financement pérenne de l’aide à l’autonomie.

Pour le sociologue Serge Guérin, directeur du MSC Directeur des établissements de santé à l’INSEEC : « La création d’une deuxième journée est loin de répondre aux besoins. Il faudrait supprimer au moins une semaine de congés pour arriver à un résultat utile ! Car, dans le meilleur des cas, une journée de plus (qui se conclue en large partie par, de fait, un impôt prélevé sur les entreprises) permettrait de trouver 2 milliards d’euros de plus par an. Alors que les besoins d’aujourd’hui, et plus encore de demain, sont plutôt de l’ordre de 15 à 20 milliards d’euros. » 

Une analyse partagée par Benoit Goblot : « Il est difficile de faire le bilan de la première journée de solidarité, beaucoup de gens ne savent pas à quoi sert cette journée ni où va l’argent. Et Emmanuel Macron avait de toute façon affirmé qu’il n’y aurait pas de nouvel impôt d’ici la fin du quinquennat, ce qui pour moi tue dans l’oeuf cette option de seconde journée de solidarité. »

Pour Olivier Peraldi, l’idée n’est pas tout à fait nouvelle : « Il faut se demander qui paye. On peut s’interroger sur la cohérence de cette option si ce sont les actifs qui payent. On a augmenté la CSG pour les retraités pour compenser la baisse des cotisations des actifs, et maintenant on demanderait aux actifs de financer la dépendance, il y a un manque de cohérence. »

Dans les colonnes de Gérontonews, Florence Arnaiz-Maumé, déléguée générale du Synerpa, le Syndicat National des Etablissements et Résidences Privés pour Personnes Agées, considère l’idée de ce deuxième jour de solidarité comme « un ballon d’essai » : « Il faudrait d’abord savoir de combien le secteur a véritablement besoin et pourquoi. » Elle souligne également que : « ce serait une charge nouvelle pour les entreprises », et rappelle que sur cette problématique de financement, « Nicolas Sarkozy avait tenté; d’une certaine manière, François Hollande a tenté lui aussi, mais a abdiqué immédiatement car le sujet est trop complexe et trop coûteux. »

 

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D’autres pistes pour un financement pérenne des établissements et services pour personnes âgées

Pour la FNAQPA, « les moyens nécessaires ne sont pas uniquement des moyens de médicalisation », et ils « doivent aussi être associés au volet social de l’accompagnement du vieillissement et à la préservation de l’autonomie des personnes âgées. » 

L’AD-PA considère de son côté que « pour réellement améliorer l’accompagnement quotidien de nos aînés, le soutien apporté aux familles et les conditions de travail des salariés, il convient de créer un financement acceptable pour l’ensemble de la société de l’ordre de 10 milliards d’euros tel qu’envisagé par le Conseil Economique Social et Environnemental en 2011. » 

Une position partagée par la FNADEPA : « la solution doit en effet être protéiforme. Il s’agit non seulement de pouvoir répondre rapidement aux difficultés actuelles des établissements et services pour personnes âgées mais aussi -et surtout- de garantir un financement pérenne, acceptable, équitable et à la hauteur des enjeux du vieillissement de notre population et de ses besoins croissants en accompagnement. » La FNADEPA rappelle que le coût de la dépendance a été évalué à 12,6 milliards d’euros d’ici à 2040, et elle souhaite « la réouverture de la réflexion sur la création d’un cinquième risque, évoquée par le Chef de l’Etat et dont les modalités seraient à définir. Cette mesure, maintes fois attendue et repoussée, représenterait un pas en avant en faveur d’une politique nationale enfin ambitieuse pour les personnes âgées. »

 

Pour Serge Guérin, « On évoque depuis longtemps la création d’une cinquième branche de la sécurité sociale pour renforcer les quatre grands risques déjà couverts par la Sécurité Sociale. Très clairement, il s’agirait donc de lever de nouveaux impôts et cotisations sociales fléchées vers la perte d’autonomie, dans une approche collective et solidaire. Mais, de fait, la CNSA, avec une gouvernance différente et présidée par une vraie politique, Marie-Anne Montchamp, joue déjà en large partie ce rôle. »  

Le sociologue, co-auteur du livre La Silver économie, avec Dominique Boulbès, évoque une autre piste de financement pérenne, qui concerne : « l’assurance privée (pouvant être aussi portée par les mutuelles). Il s’agirait, de manière complémentaire aux financements collectifs, d’ouvrir à une assurance perte d’autonomie individuelle. Dans cette optique, une approche élargie au risque d’être aidant d’un proche peut avoir sa pertinence. Reste aussi à établir son caractère facultatif ou obligatoire (ce qui revient alors à lever un impôt supplémentaire…). D’autres pistes existent en recherchant, par exemple des économies dans une meilleure mutualisation des ressources (plateformes gériatriques et hospitalières, avec une présence continue de médecins et une attention particulière envers la fin de vie) et dans la réorganisation des structures, par exemple en supprimant les frontières, parfois très artificielles, entre sanitaire et médico-social. »

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Olivier Peraldi rappelle de son côté que : « le maintien à domicile coûte 3 à 4 fois moins cher aux collectivités que les hébergements collectifs. Il faut se pencher davantage sur les questions de prévention, car c’est une des solutions. Cette piste doit absolument faire partie des priorités. Quant à la question du cinquième risque, là encore, qui paye ? Les actifs ? Un impôt ? Ce n’est pas neutre. Nous sommes très intéressés à l’idée de participer au débat, tous les partenaires privés et publics doivent se rencontrer. Il y a une urgence à avancer. »

Pour Jérôme Pigniez, Président de On-Medio / SilverEco.org, et notamment rapporteur d’un des premiers groupes ayant donné naissance à la filière Silver économie : « La Silver économie est un formidable territoire d’opportunités, tant économiques que sociétales. Le secteur est très porteur, mondial, et bien organisé en France. D’un point de vue macro-économique, le fruit de la croissance de la filière du bien-vieillir (maintien de l’autonomie, mais aussi loisirs, culture, transports, sports adaptés…) doit participer au financement de la dépendance, dans une logique de cercle vertueux. Nous avons suivi de près le débat autour de la création du cinquième-risque en 2010, l’idée est noble mais avait été avortée par un manque initial de financement en pleine crise économique et par des débats autour de la fusion des risques « handicap » et « perte d’autonomie » (selon les prestations Handicap ou Perte d’Autonomie, en France il vaut toujours mieux avoir un AVC avant qu’après le retraite…). »


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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