Promesses en série : IA qui lit notre âge biologique dans 5 gouttes de sang, algorithmes qui mesurent l’« âge du cerveau », molécules antiâge dénichées par machine learning… Alors, peut-on vraiment prédire son vieillissement ?
> L’hebdo du Vieillissement du Pr Bertrand Fougère : « Peut-on prédire le vieux que nous serons ? »

Ce que l’IA sait (déjà) faire
- Distinguer âge civil et âge biologique à partir de marqueurs sanguins, métaboliques, hormonaux.
- Calculer un « brainage » sur l’IRM, parfois plus vieux ou plus jeune que notre âge à l’état civil, et associé à un risque de déclin cognitif.
- Repérer des profils de vieillissement accéléré ou ralenti, utiles pour cibler prévention, bilans, suivi.
Mais tout cela reste du probabiliste : on parle de risques, pas de destin écrit à l’avance.
Peut-on savoir « quel vieux » on sera ?
- L’IA éclaire surtout le biologique (corps, cerveau) et le fonctionnel (mobilité, cognition).
- Elle ne prédit ni nos rencontres, ni nos engagements, ni la manière dont on restera (ou non) citoyen jusqu’au bout. Et c’est une bonne chose : l’avenir reste en partie ouvert.
IA : Les promesses si on l’utilise bien
- Une prévention plus ciblée : activité physique, nutrition, sommeil, adaptées à un âge biologique plutôt qu’au seul âge civil.
- Des parcours de soin mieux stratifiés : repérer plus tôt fragilités, dénutrition, déclin cognitif, et proposer APA, kiné, ateliers mémoire, soutien social au bon moment.
- À l’échelle collective, anticiper les besoins en gériatrie, aide à domicile, adaptation des logements et piloter les politiques publiques.
Les risques à ne pas sous-estimer
- Biais et inégalités : si les données reflètent mal les plus vulnérables, l’IA prédira mal leur vieillissement.
- Anxiété et sur-médicalisation : un « âge biologique +7 ans » peut motiver… ou faire paniquer, avec un appel d’air pour des promesses anti-âge douteuses.
- Dérives assurantielles et sociales : si ces scores sortent du champ médical, ils peuvent servir à tarifer, sélectionner, exclure.
- Glissement anthropologique : réduire le « bien vieillir » à « ralentir l’horloge biologique », au risque de culpabiliser celles et ceux dont la vie ne suit pas la norme.
IA et vieillissement : La vraie question
L’enjeu n’est pas seulement : « Jusqu’où l’IA pourra-t-elle prédire notre vieillissement ? » mais surtout : « Que voulons-nous en faire : un outil de contrôle des corps âgés ou un levier pour donner à chacun plus de marges de manœuvre, de choix et de dignité ? »
Et vous : si une simple prise de sang et une IA pouvaient vous donner votre âge biologique et votre risque de vieillissement accéléré… voudriez-vous le savoir ?
L’hebdo du Vieillissement est une tribune régulière du Pr Bertrand Fougère

Bertrand FOUGÈRE
Professeur de Gériatrie
Pôle Vieillissement – Université / CHU ToursBertrand Fougère est Professeur de Gériatrie, depuis 2018 spécialiste reconnu dans le domaine du vieillissement et de la prise en charge des personnes âgées. Fort de son expertise, il collabore régulièrement avec les ministères de la Santé et des Solidarités pour développer des politiques de prévention et d’accompagnement innovantes. Son parcours est marqué par une participation à des initiatives structurantes visant à renforcer l’autonomie et la qualité de vie des personnes âgées, ainsi qu’à soutenir les aidants.
Cet article a été publié par la Rédaction le



