Par Thibault Corvaisier, cofondateur de Merci Prosper – Alors que le gouvernement cherche désespérément à faire 40 milliards d’euros d’économies, la suppression de l’abattement fiscal de 10 % sur les pensions de retraite revient sur la table. Cette niche fiscale coûte près de 4,5 milliards d’euros chaque année à l’État. Pour l’exécutif, l’équation est simple : alléger la dépense publique. Mais pour 16 millions de retraités concernés, dont beaucoup peinent déjà à joindre les deux bouts, c’est une perspective bien plus brutale.

Suppression de l’abattement fiscal : une menace pour le pouvoir d’achat des retraités
Ce que certains qualifient d’« avantage fiscal » est, pour d’autres, un maigre amortisseur. Un filet devenu indispensable, à l’heure où les plus de 65 ans estiment que leur pouvoir d’achat a baissé depuis leur départ à la retraite. En moyenne, il leur manquerait 531 euros par mois pour vivre décemment (étude CSA pour Silver Alliance). Supprimer l’abattement, c’est enfoncer un peu plus une population déjà fragilisée dans une forme de précarité silencieuse.
Et pourtant, cette population n’est pas « sans ressources ». Elle est même, sur le papier, l’une des plus patrimoniales du pays : 74 % des retraités sont propriétaires de leur résidence principale. C’est là tout le paradoxe. La plupart possèdent un bien immobilier qui pourrait leur offrir une marge de manœuvre financière… mais ce capital reste figé, inerte. Car à la différence d’un produit financier, un logement n’est pas liquidable facilement, surtout si l’on souhaite y rester.
Alors, que fait-on ? On continue à taxer les retraités sans leur donner d’alternatives ? Ou bien on accepte enfin de sortir du cadre binaire qui oppose la vente du bien d’un côté, et l’endettement de l’autre ? Il existe une troisième voie : celle d’une monétisation partielle, sécurisée, adaptée à l’âge et aux besoins. Une approche qui permettrait aux seniors de transformer une partie de la valeur de leur logement en argent disponible, sans le vendre entièrement, sans en partir, sans renoncer à leur autonomie.
Cette solution, aujourd’hui marginale dans le débat public, mérite d’être mise au cœur des réflexions sur le financement de la retraite. Parce qu’elle réconcilie deux impératifs : le maintien à domicile et la capacité à faire face à des dépenses croissantes. Parce qu’elle remet de la souplesse là où le système est rigide. Parce qu’elle répond à une réalité : les retraités ne veulent pas être assistés, ils veulent pouvoir agir.
Faire porter l’effort budgétaire sur les retraités, sans repenser en profondeur les leviers qui leur permettraient de mieux utiliser leur patrimoine, c’est une erreur de diagnostic. Ce n’est pas seulement injuste : c’est inefficace. Il est temps d’arrêter de considérer l’immobilier des seniors comme un héritage à venir, et de le voir comme une source de résilience aujourd’hui.

Cette tribune a été rédigée par :
Thibault Corvaisier, cofondateur de Merci Prosper.
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