« Contre l’impératif jeuniste, changeons le regard sur la vieillesse », tribune de Marie de Hennezel et de Pascal Champvert pour Le Figaro

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Marie de Hennezel et Pascal Champvert ont signé une tribune dans le Figaro samedi 3 février 2018 intitulée « Contre l’impératif jeuniste, changeons le regard sur la vieillesse ». La rédaction SilverEco.fr relaie cette tribune qui rappelle que l’enjeu de la mobilisation du 30 janvier 2018 est la dignité des personnes âgées, de ceux qui prennent soin d’elles, et, au-delà, du regard que porte la société sur le vieillissement de chaque français.

« Contre l’impératif jeuniste, changeons le regard sur la vieillesse »

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Pascal Champvert, Directeur de l’AD-PA et écrivain

« Nous venons d’être témoins d’un mouvement de grève très large, qui a réuni tous les syndicats de salariés, mais aussi les retraités, les familles, les directeurs d’établissements et de service à domicile. Une mobilisation tout à fait inédite, car il ne s’agit pas d’un simple débat technique, mais d’un mouvement sociétal, dont l’enjeu est la dignité. Dignité des âgés, dignité de ceux et celles qui prennent soin d’eux.

Il s’agit plus largement du regard que notre société porte sur tout ce qui touche au vieillissement. Il y a une légitimité évidente des revendications portées par ce vaste mouvement, concernant les moyens pour que nos aînés soient mieux accompagnés dans leur vie quotidienne, pour que les professionnels puissent être à la hauteur humaine de leur tâche. Des professionnels qui, pour la plupart, sont des femmes portées par des valeurs humanistes, mais qui s’usent et s’épuisent quand les conditions de leur travail ne leur permettent plus de les incarner. Ces femmes supportent parfois des situations intenables que des hommes, à leur place, n’auraient pas supportées aussi longtemps.

Se pose-t-on la question de la raison profonde du taux élevé d’accidents du travail et de maladies professionnelles dans les établissements et services à domicile ?

Il ne s’agit pas seulement des conditions intenables d’un travail qui conduisent à une forme de maltraitance, mais de la valorisation de ce travail. Comment garder l’estime de soi quand on a le sentiment de travailler dans un secteur constamment dévalorisé ? Quand on s’occupe d’une population exclue et qui a souvent honte de l’être ? »

« Il faut donc prendre la mesure du naufrage social auquel nous assistons »

« Il faut y remédier par une vraie politique autour de la question du vieillissement. Au-delà des moyens, nous le rappelons, il s’agit d’une question de regard. Nous pensions que l’âgisme ambiant est à la racine de ce désintérêt des pouvoirs publics pour les Français vieillissants. Par âgisme, nous entendons la discrimination par l’âge qui conduit à dévaloriser les vieux et le phénomène même du vieillissement.

Psychologue et auteur Marie de Hennezel
Marie de Hennezel, Psychologue et écrivain

Il y a trois ans, l’OMS avait fortement attiré l’attention sur cette discrimination. La plupart des gens n’ont pas conscience des stéréotypes qu’ils entretiennent inconsciemment à l’égard de l’avancée en âge. L’impératif est d’être toujours jeune, actif, dynamique et performant. Et ceux qui expérimentent les contre-valeurs de notre société – la lenteur, la profondeur, la disponibilité, l’être (par opposition au faire) – ont le sentiment de n’être plus bons à rien. Nous constatons donc un désintérêt pour tout ce qui touche au domaine du vieillissement, un désintérêt qui ne fait que croître au fil des années.

Plus d’un quart de la population française a plus de 60 ans et n’a cure de ce jeunisme affiché. Ces déjà vieux-futurs vieux se demandent ce qu’ils vont devenir. Qui prend la mesure de leurs préoccupations ? Ces Français aimeraient pourtant que le Président de la République leur donne le sentiment qu’ils auront toujours leur place dans la société. Ils aimeraient que celui-ci s’engage personnellement, qu’il donne l’exemple. Qu’il parle à l’avenir des vieux à l’occasion de ses vœux, qu’il nomme un ministre responsable de ces sujets. Car notre société a besoin de symboles forts et d’un parole qui valorise cet âge de la vie. »

« Oui, osons porter un regard différent sur cette expérience qu’on appelle le vieillir »

« Arrêtons de parler des vieux en termes de diminution, de perte, de charge ou de poids, bref de dépendance ! Osons dire qu’ils nous apportent, par leur expérience et leur regard sur la vie, par leur vulnérabilité même et qu’ils sont utiles à la société. Utiles économiquement, car l’aide aux personnes fragilisées est un des secteurs les plus créateurs d’emplois dans l’avenir, utiles affectivement, symboliquement et socialement par le mouvement de solidarité qu’ils suscitent autour d’eux. Osons les honorer et honorer ceux et celles qui prennent soin d’eux.

Refuser l’âgisme, c’est vouloir une société où il y a de la place pour tous, jeunes et vieux. Une société qui pense le vieillissement comme un facteur de cohésion sociale. Une société dans laquelle chacun sente qu’il contribue à la communauté des vivants, une société où personne ne soit tenté de se donner la mort, par sentiment d’exclusion ou d’inutilité. Ce qui serait le signe de l’entrée dans une forme de barbarie.

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Cet article a été publié par la Rédaction le


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