« Tu comprendras quand tu seras vieux ! »

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Extrait du petit manuel anti-préjugés grand âge à l’usage de tous de Véronique Casado, disponible en librairie et sur toutes les plateformes e-commerce. La période des fêtes de fin d’année est propice aux retrouvailles intergénérationnelles. Retrouvailles avec ses proches âgés que l’on n’a parfois pas vus depuis plusieurs mois. Après la fête vient souvent le moment des questions, de ce qu’il serait bon de faire au regard de leur âge avançant. Aménagement, déménagement, arrêt de la voiture, aide à domicile… Normal de se préoccuper de son parent. Mais ne serions-nous pas passés à côté d’autres choses ?

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Sans s’en rendre compte, on peut avoir tendance à ne regarder les plus vieux que comme des êtres fragiles plus vraiment à même de s’occuper d’eux. On peut avoir tendance à les infantiliser et à les dévaloriser. Une forme d’âgisme ordinaire qui s’insinue dans nos relations les plus intimes et dont les conséquences sont loin d’être anodines.

Pourquoi en est-on là ? Comment inverser la tendance ?

Véronique Cayado, docteure en psychologie et ingénieure de recherche pour l’Institut Oui Care, publie son premier livre aux éditions du Palio. Dans Tu comprendras quand tu seras vieux, elle décrypte, autour d’exemples concrets, les stéréotypes de l’âgisme et propose des pistes pour le dépasser en s’appuyant sur les travaux des psychologues et sur son expérience professionnelle chez le leader français du service à domicile.

Le livre

“Les préjugés ont la vie dure.” Ceux sur la vieillesse n’y font pas exception, et l’emportent parfois sur les autres considérations. Il est normal de tenir compte de l’âge des plus âgés dans nos relations avec eux. Mais attention à ne pas se laisser aveugler par les préjugés sur la vieillesse, cela peut être lourd de conséquences !

livre de véronique Casado, "tu comprendras quand tu seras vieux"
  • Biais de perception, de mémorisation, de jugement,
  • Comportements discriminatoires,
  • Infantilisation,
  • Atteinte à l’intégrité psychique,
  • Altération des capacités,
  • Baisse de l’estime de soi…

On appelle “âgisme” tous ces biais liés à nos croyances sur le vieillissement qui affectent, non seulement nos relations quotidiennes avec les plus vieux, mais aussi notre propre vieillissement en santé. Les enjeux ne sont donc pas que éthiques, ils sont aussi de santé publique. Chacun est ou sera confronté, familialement ou professionnellement, aux problèmes de l’accompagnement de la vieillesse.. Ce manuel anti-préjugés à l’usage de tous permet de comprendre les idées préconçues qui nous conditionnent face au grand âge et de commencer à nous en libérer.

Retrouver un extrait du livre :

  • Extrait 3 pp.135-138

Changer le regard sur la vulnérabilité

« J’en viens à un point qui me paraît extrêmement important : on ne peut changer le regard sur la vieillesse qu’en changeant aussi le regard sur la vulnérabilité, la dépendance et la perte d’autonomie. Ce n’est qu’ainsi qu’on évitera le phénomène de sous-typage, ce n’est qu’ainsi qu’on évitera de construire une vieillesse à deux visages, une face présentable et une autre cachée car portant les stigmates de l’abjecte vérité.

(…)
Nous avons tendance à penser que l’être humain est une machine dont l’état normal est de fonctionner sans bug. Mais qui passe une année de sa vie sans bug, sans flancher, sans petits et grands maux ? Même une personne répondant aux standards de la société en termes d’indépendance, d’autonomie, de puissance d’action sur son environnement, même cette personne-là fera face à des incidents, à de petits problèmes de santé et au sentiment demanque. Les failles intérieures comme les accidents font partie de la vie. C’est cela la normalité car c’est cela notre lot commun ! Bien sûr, ce lot commun n’est pas partagé de façon équitable mais nous l’expérimentons tous à des degrés différents selon les individus, et pour un même individu, selon les périodes de son existence. Dès lors que l’on place la fragilité et la dépendance, non pas dans les marges, mais au centre des trajectoires humaines, il n’y a plus, d’un côté, des vulnérables/ faibles, et de l’autre, des invulnérables/forts. Tout tient sur un fil à l’image de la funambule de Patrick Fougeyrollas2, tout est circonstancié, tout est éphémère. Nous sommes tous à des degrés variables des êtres dépendants en puissance. Le vieil homme qui marche avec un déambulateur peut expérimenter dans la rue de sa cité aux trottoirs alambiqués une situation de grande vulnérabilité en comparaison de son congénère plus jeune aux pas vifs. Mais celui-ci se trouve peut-être dans une grande dépendance financière à l’égard de ses parents ou verra sa mobilité soudainement gênée à la suite d’un banal accident de foot lui causant une fracture du tibia-péroné !
(…)
Ainsi formulé, voilà qui peut paraître très abstrait, mais la portée de cette approche est aussi pragmatique. Dès qu’on envisage la fragilité et la dépendance comme des caractéristiques communes aux êtres humains, variables en intensité et dans le temps, on décentre son attention des carences et des limitations de l’individu qui vit une situation de dépendance. On appréhende certes les besoins propres qui sont les siens dans cette situation, mais on le considère aussi plus globalement au-delà de son trouble et de ses besoins. Ainsi, une personne âgée atteinte par une pathologie neuro-évolutive présente des limitations dans la capacité à décider par elle-même l’orientation de ses actes et les risques encourus, mais une limitation ne signifie pas une impossibilité totale. Répétons-le : tout est une question de degré. Quand le contexte s’y prête, cette personne peut encore opérer des choix dans sa vie.

Parce que nous ne nous réduisons pas à la somme de nos incapacités (ni même de nos capacités), nombreux sont les penseurs et les professionnels qui militent pour une autre prise en soin des personnes plus dépendantes afin de maximiser l’autonomie et l’expression de leurs capacités, plutôt que de se centrer sur les limitations. Nombreux aussi sont ceux qui pensent que l’on peut accompagner les aînés en perte d’autonomie sans forcément réduire leur existence à celle d’un malade ou d’un patient : remise en question de la blouse en tant qu’uniforme parce qu’elle n’aurait pas sa place dans un environnement de vie normal, questionnements sur la dialectique « lieu de travail ou lieu de vie », réflexion sur la portée du langage professionnel lorsque, par exemple, on présente une personne âgée en utilisant les termes de « dément déambulateur, fugueur, résistant au soin. »

L’autrice

Véronique Cayado est docteure en psychologie et membre de la Société Française de Gériatrie et Gérontologie. Ingénieure de recherche à l’Institut Oui Care, elle est spécialiste du bien vieillir et publie régulièrement des tribunes dans la presse, des articles sur le site Oui Care et des vidéos sur sa chaîne YouTube qui sensibilisent le grand public à l’âgisme.


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Cet article a été publié par la Rédaction le

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